Voici le récit de ma journée consacrée au transport et au développement durable. Elle est à marquer d'une pierre blanche tellement l'évènement est ubuesque et montre combien le passage à l'acte de développement durable est difficile dans notre pays. Les résitances de petits corps sociaux sont fortes, bloquent le système, découragent certains.
Ce matin, j'avais rendez-vous à 10h au tout nouveau ministère de l'écologie avec le conseiller technique climat, énergie et qualité de l'air Youenn Dupuis. Le but de cette réunion était de voir comment on pouvait trouver les leviers pour dégager 1 à 2 millions d'euros pour le projet de transport à la demande en temps réel, qui est en cours de développement avec 4 labos de recherche hauts-normands.
Ce récit ne vise pas à raconter cette réunion, mais la journée de votre délégué transports. Il montre qu'utiliser son vélo pour se déplacer est encore un sacerdoce.
J'ai donc quitté mon domicile de Sotteville-les-Rouen avec mon vélo vers 7h30 pour prendre le train de 7h56 afin d'être à Paris à 9h30, bien à l'heure pour mon rendez-vous qui ne durait que 3/4 d'heure.
A l'assemblée générale de la fédération des usagers de la bicyclette en Avril 2006, une personne assez haut placée m'indique qu'enfin tous les trains seraient ouverts aux vélos sur la ligne Le Havre Rouen Paris à partir de Décembre 2006.
Depuis cette date, je monte donc mon vélo dans le train. Apparemment, les contrôleurs font preuve d'une mansuétude inhabituelle, m'aident à monter mon vélo, avec le sourire. Je me sentais rassuré, sans stress. Je ne subissais plus l'ostracisme de la SNCF envers les vélos jusqu'à ce jour maudit d'aujourd'hui.
Au départ du train, je monte le vélo dans le fourgon situé en queue de train. Celui-ci est équipé de 4 crochets vélos inoccupés. Belle aubaine, j'accroche le mien à un de ces crochets.
Arrêt de Oissel, Val de Reuil, Gaillon. Puis, le contrôleur, très zélé vient contrôler mon billet. A ma grande stupeur, il me demande à qui est le vélo accroché dans le fourgon. Je lui réponds très tranquillement que c'est le mien.
"Monsieur, vous êtes priés de retirer ce vélo du fourgon, ce train n'est pas autorisé aux vélos. Vous le mettez dans le couloir, je ferme à clés cet espace. Votre vélo est dangereux pour les voyageurs !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!." me dit-il. "et estimez-vous heureux que je ne vous mettes pas une amende de 45 euros".
L'adrénaline commence alors à monter, le sang me monte à la tête. Je dois faire un effort surhumain pour rester calme devant une telle bêtise humaine. Aucun voyageur ne vient s'assoir dans ce fourgon, il n'y avait aucun bagage. L'espace était libre comme l'air. Et mon vélo est beaucoup plus dangereux dans le couloir.
Le comble, c'est que ce valeureux contrôleur zélé n'a même pas réussi à fermer cette satanée porte, se couvrant ainsi de ridicule.
Je décharge mon adrénaline en racontant mon histoire aux passagers, complètement médusés, du compartiment voisin. Il n'y a rien de mieux que la parole comme thérapie.
Avouons qu'un tel évènement ne manque pas de sel le jour même du rendez-vous au ministère le plus important du moment.
Je décide alors de contacter la direction générale de la SNCF après mon rendez-vous. Ne sachant pas où elle se trouve, je vais, d'un bon coup de pédale motivé, à l'acceuil de la gare Saint-Lazare où on m'envoie gare du Nord. Le service clientèle de la gare du Nord m'envoie à son tour à Montparnasse. J'enfourche donc gaillardement ma bicyclette vers la tour. Je trouve l'immeuble de la SNCF et je demande à parler au directeur général exécutif Guillaume Pepy, qui s'est occupé par le passé du problème du vélo dans les trains.
Je raconte mon histoire ubuesque, burelesque, à la secrétaire, qui me dit d'envoyer un email circonstancié. Il est 13h30, il est temps de reprendre le train pour Rouen. Je me dirige donc vers la gare Saint-Lazare, en passant par Pasteur, les invalides. Une merveilleuse perspective sur la tour Eiffel me redonne la combativité nécessaire. J'arrive à temps pour prendre le train de 14h23. Je m'empresse de rédiger le mail à Guillaume Pepy dans le train, avec copie vers Corinne, Youenn Dupuis, et Hubert Peigné, le Monsieur vélo du gouvernement récemment nommé par Dominique Perben, Gilles Triolier de Paris-Normandie. Je décide également de mobiliser le collectif d'associations rouennais s'occupant de l'urbanisme et des transports que j'ai récemment constitué. Nous allons organiser une manifestation un matin sur le quai du train de 7h56 en présence de la presse.
Pas de problème avec les contrôleurs ce coup-ci.
Le train arrive à Oissel, l'arrêt précédent Rouen. En effet, le tarif Rouen Paris ayant augmenter de 18.90 euros à 19.30 euros, je décidai de m'arrêter à Oissel pour 17.70 euros et faire 5km de plus à vélo. Cela ne me faisait pas perdre de temps puisque Sotteville-les-Rouen est située entre Oissel et Rouen.
Eh oui, il faut pédaler plus pour gagner plus comme le dit notre cher président.
Arrivé chez moi à 16h30, après avoir goûté car je n'avais rien avalé ni bu depuis 7h du matin, je me précipite sur mon ordinateur pour envoyer le mail avec accusé de reception à Guillaume Pepy. A cet heure, il l'a lu; j'en ai eu la confirmation.
17h45, je file toujours à vélo à 5km de chez moi pour traiter une affaire liée à mon travail avec des américains afin de gagner un jour de délai avant de revenir définitivement à la maison après une journée très active.
Somme toute, ce fut une journée ni blanche ni noire, mais grise, du bon et du moins bon.
J'ai tout de même fait mes 30km de vélo pour mes déplacements. Et des journées comme cela, il y en a des dizaines dans l'année pour aller à une réunion d'association vélo, transports en commun, agglomération, après le travail ou pendant ma journée temps partiel.
La cerise sur le gateau, l'ultime récompense, c'est la participation à la randonnée cyclotouriste de 100km qui a lieu tous les ans début Octobre. C'est la viking 76. Cette année, sans entraînement particulier, sans faire de sport dans une salle de torture, sans dopage aux OGM, j'ai réalisé cette distance à 27km/h de moyenne en m'accrochant derrière des petits pelotons. Eh oui, du vélo, plus on en fait dans notre vie quotidienne, et cela suffit, plus c'est facile. Nous recevons ensuite un beau diplôme. Se déplacer en vélo tous les jours, c'est assurément vieillir moins vite.