La flambée du prix du pétrole, source de report modal de la route vers le rail pour le transport de marchandises en France ?
Alors que la flambée du prix du pétrole attise des débats sur les modifications comportementales pouvant être générées chez nos concitoyens fortement utilisateurs de l’automobile, un report modal de la route au profit du fer, moins consommateurs d’énergies fossiles, est-il envisageable pour le transport de marchandises ?
Le prix du gazole routier hors TVA est passé au cours des quinze derniers mois de 0.69€ à 0.90€ le litre, soit une augmentation de 30%, sachant que l’approvisionnement en carburant représente 20% de la structure des coûts des transporteurs routiers. Les conséquences de ce phénomène s’apparentent donc finalement à ce que, malgré les recommandations de certains experts, aucun gouvernement français n’avait osé mettre en place jusqu’alors : une taxe sur le transport routier, comparable à la Redevance sur les Poids Lourds pour les Prestations (RPLP) appliquée en Suisse.
Déjà affaiblis par les hauts niveaux de fiscalité et de coûts sociaux par rapport à leurs homologues des pays de l’Est, les transporteurs routiers français évitent de répercuter la hausse de leurs coûts structurels générée par la flambée du cours du brut, de crainte de perdre leurs principaux clients. Dans ces conditions, la situation financière de nombreuses entreprises effectuant déjà peu de marges, se trouve aggravée. En revanche, les transporteurs routiers des dix pays nouvellement entrés dans l’Union européenne bénéficient d’un coût du gazole inférieur à celui appliqué en France, ce qui ne fait que renforcer leur compétitivité.
Par ailleurs, si les difficultés des transporteurs routiers français étaient compensées par des gains de part de marché du transport ferroviaire, source éventuellement de nouveaux emplois, l’équilibre socio-économique serait établi et l’environnement en tirerait profit. Au final, l’évolution de l’ensemble des trois paramètres permettant de définir le développement durable : le social, l’économie et l’environnement ; pourrait aboutir à un bilan positif. Malheureusement, les faits ne sont pas si réjouissants.
En effet, les chargeurs sont peu enclins à reporter une part de leurs volumes sur le transport ferroviaire, à cause de problèmes structurels inhérents au chemin de fer. Ce dernier est certes en phase de restructuration, néanmoins le plan Fret 2006 aboutit pour le moment à une réduction des tonnes.kilomètres transportées, conséquence de la fermeture d’un certain nombre de lignes déficitaires et d’une augmentation des taux de fret sur d’autres lignes. A cela s’ajoute la piètre qualité de service, déplorée par les chargeurs, offerte sur le réseau exploité par la SNCF.
Le constat est clair : si le nombre d’entreprises françaises de transport routier en difficulté croît, le report modal ne se concrétise pas. Pis, les vainqueurs de cette conjoncture sont les transporteurs routiers des pays nouvellement entrés dans l’Union européenne. Les experts espèrent aujourd’hui que le report modal sera généré par la libéralisation du fret ferroviaire pour le cabotage au 30 mars 2006. Cette ouverture à la concurrence permettra peut-être de résoudre certains des maux du fret ferroviaire français. Quoi qu’il en soit, il ne pourra pas se libérer d’un certain nombre de contraintes. En effet, si ses lourdeurs sont liées parfois à une gestion qui lui est défavorable, souvent à la défense d’avantages d’un autre temps, certaines difficultés du fret ferroviaire restent générées par son mode de fonctionnement, qui ne peut pour des raisons physiques, avoir la même souplesse que celui de la route.