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Texte libre

Corinne Lepage,

ministre de

l'environnement

 de 1995 à 1997

et présidente de cap21

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4 novembre 2005 5 04 /11 /novembre /2005 00:00

La flambée du prix du pétrole, source de report modal de la route vers le rail pour le transport de marchandises en France ? 

 

Alors que la flambée du prix du pétrole attise des débats sur les modifications comportementales pouvant être générées chez nos concitoyens fortement utilisateurs de l’automobile, un report modal de la route au profit du fer, moins consommateurs d’énergies fossiles, est-il envisageable pour le transport de marchandises ? 

Le prix du gazole routier hors TVA est passé au cours des quinze derniers mois de 0.69€ à 0.90€ le litre, soit une augmentation de 30%, sachant que l’approvisionnement en carburant représente 20% de la structure des coûts des transporteurs routiers. Les conséquences de ce phénomène s’apparentent donc finalement à ce que, malgré les recommandations de certains experts, aucun gouvernement français n’avait osé mettre en place jusqu’alors : une taxe sur le transport routier, comparable à la Redevance sur les Poids Lourds pour les Prestations (RPLP) appliquée en Suisse. 

Déjà affaiblis par les hauts niveaux de fiscalité et de coûts sociaux par rapport à leurs homologues des pays de l’Est, les transporteurs routiers français évitent de répercuter la hausse de leurs coûts structurels générée par la flambée du cours du brut, de crainte de perdre leurs principaux clients. Dans ces conditions, la situation financière de nombreuses entreprises effectuant déjà peu de marges, se trouve aggravée. En revanche, les transporteurs routiers des dix pays nouvellement entrés dans l’Union européenne bénéficient d’un coût du gazole inférieur à celui appliqué en France, ce qui ne fait que renforcer leur compétitivité. 

Par ailleurs, si les difficultés des transporteurs routiers français étaient compensées par des gains de part de marché du transport ferroviaire, source éventuellement de nouveaux emplois, l’équilibre socio-économique serait établi et l’environnement en tirerait profit. Au final, l’évolution de l’ensemble des trois paramètres permettant de définir le développement durable : le social, l’économie et l’environnement ; pourrait aboutir à un bilan positif. Malheureusement, les faits ne sont pas si réjouissants. 

En effet, les chargeurs sont peu enclins à reporter une part de leurs volumes sur le transport ferroviaire, à cause de problèmes structurels inhérents au chemin de fer. Ce dernier est certes en phase de restructuration, néanmoins le plan Fret 2006 aboutit pour le moment à une réduction des tonnes.kilomètres transportées, conséquence de la fermeture d’un certain nombre de lignes déficitaires et d’une augmentation des taux de fret sur d’autres lignes. A cela s’ajoute la piètre qualité de service, déplorée par les chargeurs, offerte sur le réseau exploité par la SNCF. 

Le constat est clair : si le nombre d’entreprises françaises de transport routier en difficulté croît, le report modal ne se concrétise pas. Pis, les vainqueurs de cette conjoncture sont les transporteurs routiers des pays nouvellement entrés dans l’Union européenne. Les experts espèrent aujourd’hui que le report modal sera généré par la libéralisation du fret ferroviaire pour le cabotage au 30 mars 2006. Cette ouverture à la concurrence permettra peut-être de résoudre certains des maux du fret ferroviaire français. Quoi qu’il en soit, il ne pourra pas se libérer d’un certain nombre de contraintes. En effet, si ses lourdeurs sont liées parfois à une gestion qui lui est défavorable, souvent à la défense d’avantages d’un autre temps, certaines difficultés du fret ferroviaire restent générées par son mode de fonctionnement, qui ne peut pour des raisons physiques, avoir la même souplesse que celui de la route.

 

 

 

 

 

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commentaires

F
merci pour la qualité des articles postés ici.J'ai bien pris note de la responsabilité limitée du transport routier en matière de pollution en comparaison aux autres sources d'émissions.Néanmoins je pense que les routiers devraient avoir le carburant au même prix que les automobilistes et non pas moins cher. Pour plusieurs raisons.Le coût du transport routier est beaucoup trop bas. Toutes les entreprises que je visite parlent à un moment ou à un autre de la concurrence de la Chine et de l'Europe de l'Est. Un Donneur d'Ordre (une entreprise cliente) motive toujours ses choix par un calcul. Elle calcule par exemple s'il lui coûte moins cher de produire en France ou bien de produire à l'Est et de transporter jusqu'en France... Bien souvent, à cause d'un coût du transport si bas, pour rester compétitives, les entreprises n'ont pas d'autres choix que de délocaliser ou finir par couler.Pour éviter ces délocalisations excessives, il faut d'un côté réduire l'écart social entre la France et nos concurrents, c'est à dire que ces pays puissent se développer, mais de l'autre il faut prendre en compte le coût environnemental du transport routier. Le fait que l'on ne prenne pas en compte ce coût est une cause très forte de la vague de délocalisations qui plonge la France plus rapidement dans le sous-développement.Egalement, il n'est pas rare qu'un produit fasse de nombreux allers et retours d'un bout à l'autre de l'Europe entre plusieurs usines de production. Nos produits traversent inutilement plusieurs fois l'Europe avant d'être enfin terminés. C'est bien sûr abhérent, et c'est dû ENCORE au transport routier trop bon marché à cause du coût environnemental qui n'est pas pris en compte.Ce phénomène complètement abhérent signe la fin régulièrement de nos entreprises régionales et engorge de camions le réseau routier européen.Même en République Tchèque où j'étais cet été, des gens se plaignaient que leur pays soit devenu une autoroute de passage des camions venant de Pologne et des pays Baltes.Les nuits les aires d'autoroutes de certaines régions n'ont plus une seule place, remplies de camions stationant pour la nuit.Ce sont bien sûr les Poids Lourds qui entrainent les coûts exorbitants pour les réseaux routiers de nos pays. Les voies qu'il faut régulièrement rénover, ce ne sont pas non plus les véhicules légers qui les causent.En dernier point il y a aussi la pollution sonore. On se souvient de villages réduits à devoir manifester leur raz-le-bol. Même dans mon petit village tranquille de 900 habitants, des voisins ont écrit pour exprimer à tous leur raz-le-bol de cette pollution sonore, imposée au cours des années à trois mètres de leur chambre, et qui leur pourrit l'existence.En résumé, faire payer aux entreprises le véritable coût du transport routier est indispensable pour l'environnement, permettrait de lutter enfin contre les délocalisations (mine de rien, problème numéro 1 de notre économie en déclin) et de remettre les entreprises près du consommateur final, nous éviterait des coûts exorbitant de nos infrastructures routières, désengorgerait nos réseaux routiers (pensons ne serait-ce qu'au problème insoluble du passage des Alpes vers l'Italie). Et puis, cerise sur le cadeau : la tranquilité des riverains.Voilà. Ceux qui disent que MALGRE TOUS CES AVANTAGES, il ne faut rien faire, cela pour permettre à nos routiers de rester compétitifs, ont bien tort, car un prix du pétrole pour les routiers identique aux individuels toucherait tout le monde et ne désaventagerait pas les routiers français par rapport aux routiers polonais par exemple. Au contraire, il y a même une pénurie de routiers actuellement. S'il y a un secteur qui profite des délocalisations, c'est bien celui là. Alors, cessons de céder à la pression de ce lobby si fort. L'intérêt publique de tout le monde doit être plus fort que les intérêts particuliers de certains lobby puissants. Sur beaucoup de questions d'actualité, les politiques ont face à eux deux forces: d'un côté les lobby, de l'autre l'opinion publique. Si nous nous taisons, les lobby eux ne manquent jamais de se faire entendre.(ex: routiers, sncf, les OGM, les pétroliers contre les biocarburants, ...)Petite question avant de m'en aller. Quelles sont les projets pour 2007 de cette chère Corine Lepage pour laquelle j'ai voté en 2002 (mon seul vote présidentiel jusqu'à présent, car j'ai 23 ans)? La couverture médiatique qu'on lui a donnée était minuscule et pourtant elle était la plus sensée et clairvoyante de tous...
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P
Je vais essayer de répondre aux questions que Grégoire à poser à propos de cet article. Je reprends donc vos questions :<br /> <br /> "Est ce qu'une petite partie pourrait se faire sur le fluvial ou le maritime, avec des solutions de cabotage?" <br /> <br /> Le report modal ne doit pas en effet être vu sous le seul angle du transport ferroviaire, en particulier lorsque celui-ci ne semble pas disposer des armes suffisantes pour proposer une alternative performante à la route. Néanmoins, si je n’ai abordé que la question du report modal vers le transport ferroviaire dans cet article, c’est d’une part parce que ce mode est celui qui stigmatise le plus souvent l’attention, et d’autre part car c’est celui qui, pour le moment, capte le plus de trafic, en dehors du mode routier bien sûr.<br /> <br /> Si on fait un rapide état des lieux, d’après les chiffres les plus récents du ministère des transports, 81% des tonnes.kilomètres de marchandises seraient transportées sur le territoire français par la route, 16 % par le rail et 3% par la barge. Les trafics fluviaux enregistrent certes depuis quelques années des progressions importantes, ils demeurent faibles à l’échelle des autres modes. En effet, si comme l’annonce dernièrement François Bordry, président de Voies Navigables de France (VNF), dans le n°828 du 14 au 27 octobre 2005 de la revue transports Actualités ; sur les huit premiers mois de l’année 2005, le trafic fluvial a augmente de 13.8% en tonnes.km, ceci permettra au mode fluvial, de transporter non pas 3% mais 3.4% environ des tonnes.km de marchandises en 2006 ! <br /> <br /> Concernant les autoroutes de la mer, la part du trafic transporté en mer n’entre pas dans les chiffres que j’ai présentés ci-dessus car les données maritimes sont indépendantes des données terrestres. <br /> Concernant les marchandises effectuant un transport intercontinental, une partie des approvisionnements sont déjà effectués par la mer sous forme de feedering depuis les grands ports. Dans ce cas, des marchandises arrivant au Havre depuis Hong Kong par exemple, repartent directement par la mer vers un port de la côte atlantique, en direction de Bordeaux par exemple. Ces marchandises seront ensuite acheminées par la route chez un client situé à Toulouse par exemple, mais la distance parcourue par la route sera toujours plus faible entre Bordeaux et Toulouse que entre Le havre et Toulouse. <br /> Concernant les marchandises à transporter à l’échelle nationale voire intracontinentale, l’Union européenne soutient fortement le développement de services d’autoroutes de la mer. Un premier service a été mis en place à la fin du premier semestre 2005 entre Toulon et Rome. Sans tirer un bilan de son efficacité, il est important de préciser que ce service capte un trafic minime à l’échelle des échanges franco italiens.<br /> <br /> En conclusion, il est vrai que des solutions alternatives à la route se développent grâce au mode fluvial et maritime, néanmoins, ces solutions partent d’un niveau de trafic très bas et une quelconque croissance même forte n’induira pas pour autant un report modal conséquent. Il m’apparaît, mais je peux me tromper, qu’en France, seul le mode ferroviaire peut réellement, en assainissant son activité et se redynamisant, offrir une solution alternative à la route. Les autoroutes de la mer m’apparaissent aussi intéressantes, surtout pour des transports transeuropéens. Quant à la barge, il me semble que le réseau français ne permet pas d’envisager le développement d’un trafic de masse soutenu. Le Rhin ne traverse malheureusement pas la France !<br /> <br /> "Par ailleurs...... le contenu de votre article laisserait entendre que si nous voulons un développement économique, la seule alternative à ce jour, passe par la route. Cependant, est ce que l'on peut vraiment affirmer que la route permet de développer économiquement des "pays" ou "territoires"? OU au contraire, n'est ce pas le meilleur moyen de les vider pour ensuite, n'y retrouver que des entrepots?"<br /> <br /> Quoi qu’il en soit, le transport routier s’est imposé comme le mode dominant. Etant donné qu’il continue à progresser en terme de productivité et tente de s’harmoniser à l’échelle européenne, il va continuer très probablement à séduire la plupart des chargeurs. Sa flexibilité n’est sans aucune comparaison, pour des raisons techniques que l’on comprend bien.<br /> Un développement économique passe t-il par le seul transport routier, ma réponse est non. En effet, comme la plupart des membres de Cap 21, j’aspire à ce que la société et l’économie tiennent de plus en plus compte, au moment d’effectuer des choix importants, de l’environnement. Si comme je le présenterai dans un prochain article, le transport routier de marchandises n’est pas responsable de la majorité des émissions de polluants, loin de là, il y contribue comme d’autres. Aussi, il revient aux acteurs du transport, d’assumer également leur part de responsabilités et donc de chercher à déplacer les marchandises autrement et surtout plus proprement.<br /> Concernant la dernière partie de votre question, le transport routier appartient certes à une chaîne relient un certain nombre d’entrepôts, mais ceci n’est pas forcément inhérent au transport routier. On pourrait avoir la même configuration avec un transport ferroviaire fortement tourné vers la logistique. Il s’agit plus d’un problème d’organisation logistique que du mode de transport me semble t-il. <br /> <br /> J’espère avoir répondu à vos questions et suis ouvert à toutes discussions sur ce sujet.<br />
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G
Merci pour cet article très intéressant.<br /> Le report modal se fait donc difficilement sur le ferroviaire mais est ce qu'une petite partie pourrait se faire sur le fluvial ou le maritime, avec des solutions de cabotage?<br /> Par ailleurs...... le contenu de votre article laisserait entendre que si nous voulons un développement économique, la seule alternative à ce jour, passe par la route. Cependant, est ce que l'on peut vraiment affirmer que la route permet de développer économiquement des "pays" ou "territoires"? OU au contraire, n'est ce pas le meilleur moyen de les vider pour ensuite, n'y retrouver que des entrepots? Certains ne devraient il pas essayer de se développer en intégrant une autre dimension de transport?<br /> Merci par avance de vos commentaires et remarques
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