Au moment où les feux des medias se concentrent sur velib', il est utile de parler de cette culture anti velo en France, celle qui a empêché le développement de ce mode de transport très efficace, pas polluant, pas consommateur d'énergie, peu consommateur d'espace. C'est d'ailleurs scientifiquement le plus efficace et le plus anodin qui soit en milieu urbain en rapport qualité, prix, énergie, sécurité. Pourtant, l'immense majorité de la population est demandeuse depuis longtemps.
Une culture anti vélo portée par quelques uns bien écoutés par les décideurs publics et privés a enlevé à une grande partie de la population une liberté élémentaire établie dans le droit français. Tous les prétextes sont bons pour éliminer de la voirie les dangereux terroristes ou dangereuses victimes que nous sommes, nous qui faisons plusieurs milliers de kilomètres par an à vélo pour nos déplacements. Nous sommes, c'est évident, un danger pour la société toute entière, n'est-ce pas??? !!!!!!!!!!!!!!!
Cette culture fait encore beaucoup de dégâts aujourd'hui et génère des raisonnements qui frisent le ridicule, cet article les fait ressortir au grand jour. Les associations cyclables se battent bec et ongles depuis 20 ans pour obtenir quelques kilomètres d'itinéraires cyclables, quelques crochets dans les trains, quelques contresens cyclables, quelques arceaux de stationnement, faire respecter la loi sur l'air. Cette bagarre perpetuelle contre des mûrs d'incompétence et d'incompréhension empêchent d'avoir une politique cohérente et ambitieuse sur les 36000 communes de France. Le résultat est que l'usage du vélo peine à franchir les 10% des déplacements.
Que dit le droit? L'article 1 de la loi d'orientation sur les transports intérieurs de 1982 (la fameuse LOTI) modifié le 25 Juin 1999 dit, en parlant des besoins de déplacements:
"Ces besoins sont satisfaits dans le respect des objectifs de limitation ou de réduction des risques, accidents, nuisances, notamment sonores, émissions de polluants et de gaz à effet de serre par la mise en oeuvre des dispositions permettant de rendre effectifs le droit qu'à tout usager de se déplacer et la liberté d'en choisir les moyens ainsi que la faculté qui lui est reconnue d'exécuter lui-même le transport de ses biens ou de le confier à l'organisme ou à l'entreprise de son choix.
La mise en oeuvre progressive du droit au transport permet aux usagers de se déplacer dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de prix ainsi que de coût pour la collectivité."
Cet article de loi, mal connu des élus et des décideurs privés institue le droit à chacun de se déplacer par le mode de transport de son choix dans des conditions d'accès, de qualité et de sécurité acceptables. Si on croise cette liberté élémentaire avec la problématique environnementale, alors le vélo répond parfaitement à cet objectif. Toute décision visant donc à freiner, limiter l'espace et l'usage du vélo, surtout en milieu urbain, est contraire à cette loi.
J'ai moi-même diligenter une enquête sur mes propres fonds à la junior entreprise de l'ESC Lille en 2000. Cette enquête faisait ressortir que 60% des gens étaient prêts à utiliser leur vélo fréquemment pour les trajets courants et 80% sur le trajet domicile travail. Parralèlement à cela 70% des élus ne croyaient pas que les gens pensaient cela, ce qui explique l'audience de la culture antivélo auprès des élus. Certains, cependant, après avoir stigmatiser, ridiculiser voit humilier cyniquement les associations vélos pendant 2 décennies, sentant le vent tourner, se servent de ce thème à des fins électorales et non pour servir l'intérêt général, ce qui nuit à la qualité de mise en oeuvre des aménagements (ce n'est pas le cas à Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, etc...). Les faits ont confirmé les résultats de cette enquête. Le plan de déplacements entreprise de STMICROELECTRONICS à Grenoble fait ressortir 10% de déplacements vélos en cas de mauvais temps et 20% à météo favorable sur 2000 salariés, soit entre 200 et 400 vélos en permanence dans le local vélo de l'entreprise.
Comment se manifeste la culture anti vélo, par quels arguments?
La posture la plus fréquemment rencontrée est l'élu qui pense à la place des usagers:
"ils ne prendront jamais le vélo car il pleut tout le temps, il y a des côtes, on ne peut pas s'habiller, c'est dangereux, les gens n'aiment pas l'effort, ils aiment bien leur confort , la population vieillit, on transpire, il faut avoir du souffle". Même les journalistes s'y mettent parfois.
Non, il ne pleut pas tout le temps. Il pleut environ 150 jours par an et 6% du temps, ce qui rend rare l'occasion de se faire doucher.
Un vélo de 10kg bien équipé en vitesses permet de grimper une côte sans trop d'efforts avec un développement de 1 (1 tour de roue ègal 1 tour de pédale). Ailleurs, une vitesse de 15km/h permet d'avancer sans transpirer plus qu'un piéton dans le métro ou un bureaucrate dans son bureau exposé au soleil traversant la vitre. Point n'est besoin d'un vélo électrique de 25kgs.
A Padoue, des mannequins circulent à vélo dans des habits distingués.
Plus on fait de vélo, moins on fait d'efforts, moins on vieiliit vite, plus on a de souffle, moins on est malade.
Tous ces mauvais prétextes appellent des mauvaises décisions: interdiction des vélos sur certains espaces sous des prétextes de sécurité, faire patienter ad vitam aeternam en attendant des travaux hypothétiques, interdiction au premier accident, verbalisation excessive selon des règles qui sont construites par les automobilistes et pour les automobilistes. Au mieux, c'est l'indifférence, "ignorantus, ignoranta, ignorantum".
En fait, la loi LOTI exprime que le cycliste, comme le piéton devrait bénéficier du droit d'aller partout au plus court en adaptant sa vitesse à son environnement, sachant que celle-ci est de toute façon faible. Par exemple, la largeur du vélo est telle qu'il pourrait circuler dans les deux sens dans tous les sens uniques voitures, faits plutôt pour fluidifier le trafic voiture. Dans les pays nordiques et en Allemagne c'est la cas. Il devrait avoir le droit de circuler sur un espace limité dans tous les jardins publics comme cela se pratique à Amsterdam. Ce sont des itinéraires sécurisés pour eux. Ces mesures font partie de ce que l'on appelle le code de la rue, déjà appliqué dans les pays de l'Europe du Nord, et où les priorités sont données au piéton, puis le vélo, puis les transports publics, puis en dernier les voitures, avec un niveau de contraintes croissant par mode.
Récemment, un cycliste s'est pris les roues dans une rainure de dalle à l'esplanade de la défense. Il y a un débat là-dessus à l'EPAD pour interdire les vélos. Si on prend ce raisonnement, au premier accident sur une départementale, on l'enlève ou on interdit la route aux voitures!!!!!. Ces deux phrases opposés montrent le ridicule de ces raisonnements que l'on ne rencontre que rapport aux cyclistes. Un principal d'un des collèges de ma commune interdit aux parents d'envoyer leurs enfants à vélo à l'école, comble de non application de la LOTI.
Ce contrôleur SNCF qui me fait descendre mon vélo de crochets prévus à cet effet dans le fourgon à bagages de mon train en me disant que j'étais dangereux pour les voyageurs est la cerise sur le gâteau.
Citons encore les quelques kilomètres de voie TEOR traversant le centre ville de Rouen, non accessibles aux vélos et oubliés par les aménageurs, au mépris de la loi sur l'air. Le vélo est le seul mode de transport exclu de cet espace. Un cycliste traversant Rouen d'Est en Ouest et inversement est condamné à de nombreux détours.
Toutes ces décisions, ces arguments, sont des attitudes d'échec. Il faudrait à contrario construire des stratégies de construction offensives permettant de faire exploser l'usage du vélo dans nos déplacements, avec les moyens associés. Ce serait, comme le dit la loi LOTI, une attitude au meilleur coût pour l'usager et la collectivité. En effet, aussi bien en infrastructures qu'en coût de fonctionnement, le vélo coûte 100 à 10 fois moins cher que tout autre mode, sans compter les effets bénéfiques sur la santé, le vieillissement, les comptes sociaux, la facture énergétique, la qualité de l'air etc...
Et n'oublions pas que plus on fait de vélo, plus c'est facile.