Autoroutes, rocades urbaines : c’est l’inflation
Au moment où le gouvernement effectue un bilan assez maigre de son action contre le réchauffement climatique, il est important d’inventorier les différentes constructions d’infrastructures routières qui sont en forte croissance (voir le site de la commission nationale du débat public) et la logique qui les sous-tend.
De nombreux messages sur les blogs régionaux en font part. Il y a eu énormément d’articles sur le carburant propre, et un peu sur les plans de mobilité. Je vais donc tenter une synthèse qui va alimenter la réflexion.
Je sors d’un marathon d’une dizaine de réunions organisées par la commission particulière du débat public sur le contournement Est de Rouen.
D’autres projets sont actuellement en débat : le doublement de l’autoroute A9 en Languedoc-Roussillon, le projet franco-espagnol de transnavarraise en pyrénnées atlantiques etc….
La logique des partisans de ces projets est toujours la même :
Désengorger des territoires, désenclaver d’autres territoires, développer l’emploi, améliorer la qualité de l’air dans des zones urbaines en détournant des flus de transit.
On ne sort pas de la pensée inflationniste : on augmente l’offre pour faire face à une demande de flux routiers toujours plus grande.
Parralèlement à cela, le gouvernement clame des changements de comportements pour résoudre la question climatique. Tout ceci est un tissu de contradictions et la population n’y comprend plus rien.
A cet égard, l’exemple du contournement Est de Rouen est symptomatique. Personne dans le débat public n’a remis en cause la nécessité d’un contournement pour détourner les flux de camions à l’extérieur des quais du centre-ville. Par contre, les clivages se sont faits autour du tracé : contournement rapproché ou éloigné. Les partisans inconditionnels du contournement veulent d’urgence un contournement court. Les autres insistent sur le coût de cette opération, les dégats considérables sur l’environnement et sur l’aspect "aspirateur à voitures de l’ouvrage". Que constate-t-on dans le document présenté par le maître d’ouvrage ? Avant et après la construction du contournement, on passe de 750 000 véhicules jours à 850 000 en 10 ans à l’intérieur du périmètre du contournement.
On a la démonstration flagrante que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne seront pas tenus si nous continuons d’augmenter l’offre routière.
Les arguments d’amélioration du cadre de vie utilisés par certains élus locaux sont un leurre. On améliore un peu au centre ville et on dégrade beaucoup ailleurs. D’autre part on surdimensonne les poids lourds dans les inconvénients alors qu’ils ne représentent que 10% du trafic. On se trompe de moyen pour attaquer le problème à la racine. Pour améliorer le cadre de vie urbain, il faut certes traiter le trafic poids lourds, mais aussi et surtout l’excès du trafic automobile. Il est beaucoup plus efficace d’aller vers un nouveau management de la mobilité des personnes, les solutions existent (voir mon article "changer les usages de l’automobile"). Bref, comme d’habitude, on met des rustines et le problème va se reporter dans le temps.
Quand à l’emploi, s’il était proportionnel au nombre de kilomètres de routes, cela se saurait. Rien n’est prouvé là-dessus, bien au contraire. Les valeurs ajoutées de demain ne sont pas forcément dans ce type de développement.
Finalement, le seul argument qui tient à peu près la route pour justifier des rocades de contournement est le détournement des trafics poids lourds hors des zones d’habitat denses. Les tracés doivent être choisis pour ne pas encourager l’usage individuel de l’automobile et la périurbanisation. Les contournements suffisamment éloignés sont donc préférables.
D’autre part, ils ne doivent être là que pour accompagner un management plus intelligent de la mobilité des personnes. Le problème de fond, ce n’est pas tant les poids lourds que les voitures particulières.
A là suite de cette analyse, je vous invite à suivre les évènements régionaux dans les articles suivants.