Lorsque l'on veut passer aux phases opérationnelles de mise en oeuvre du développement durable, il est utile de s'interroger autant sur le contenu de la croissance que sur le chiffre en pourcentage. En partant de cette question, il est intéressant de s'interroger sur ce qui fait le fondement même de la croissance des entreprises. Comment peut-on la rendre vertueuse pour être en accord avec le concept de développement durable.
Françoise Cocuelle, actuelle présidente du centre des jeunes dirigeants, disait, lors des universités d'été de cap21 à Pezenas: "le but essentiel d'une entreprise est de grandir".
Interrogeons nous sur le contenu de ce mot grandir. Comment une entreprise peut-elle croître? Que fait-elle croître. Que veut-elle faire croître? Se poser ces questions amènent à trouver des propositions parfois très antagonistes.
Il est communément admis dans le monde économique et dans le monde de l’entreprise que grandir signifie augmenter les volumes de production de biens et de services afin de pouvoir baisser les prix de revient, mieux amortir les investissements lourds, la recherche et développement, faire des économies d’échelle sur les tâches administratives.
C’est là que le concept même de croissance porte en son sein les dégâts sur l’environnement. En fait, tout dépend de l’activité de départ d’une entreprise.
Si le créateur intervient dans une activité qui dévalorise le "patrimoine public" que constitue la planète, faire croître les volumes dans ces conditions devient vite incompatible avec la notion de croissance soutenable.
Il est aisé de trouver quelques exemples :
· une entreprise de chimie, créée initialement pour aider l’agriculteur dans la fertilisation de ses terres, après avoir été pérénisée, cherchera à faire croître ses volumes de vente dans une stratégie verticale et sectorielle, hors de toute réflexion systémique sur l’agriculture, oubliant le service initial proposé pour démultiplier son nombre de clients et le volume vendu par client. Cet effet amplificateur, présent dans l’essence même de la volonté de croissance de toute l’entreprise, induit alors des dégâts considérables sur l’environnement, anihilant alors l’avantage initial proposé au monde agricole.
· Le monde de l’automobile pensant avoir une position vertueuse en travaillant sur le moteur propre, voit cette action positive quasiment annulée par le croisement de l’augmentation des volumes de vente et la montée en gamme avec l’usage individuel des véhicules. L’amplification de cet usage par le facteur démographique devient insoutenable avec une croissance exponentielle de la consommation d’énergie fossile et corollairement des émissions de gaz à effet de serre.
· La diminution des volumes de plastiques utilisés dans les objets de la vie courante au travers de la diminution des tailles est annulée par l’augmentaion considérable des volumes de production en diversité et en nombre.
Cet antagonisme actuel entre croissance des entreprises et développement durable doit orienter notre vision stratégique de l’économie. L'entreprise elle-même doit s'interroger sur la nature de son développement et de ses processus, trouver des niches de croissance à impact optimisé.