En analysant les grands projets d’infrastructures et en les comparant avec les objectifs annoncés des politiques publiques, on peut se demander s’il y a un pilote dans l’avion développement durable France. En effet regardons les documents préparatoires aux débats publics des maîtres d’ouvrage, en l’occurrence
Dans les cartes de trafic avant et après construction du contournement Est de Rouen, nous trouvons respectivement des trafics de 750 000 et 850 000véhicules jour dont 10% de poids lourds. Pendant les débats, le maître d’ouvrage a indiqué que ce type d’ouvrage amenait inévitablement un dépassement des prévisions d’intensité de circulation, ce qui confirme les phénomènes connus d’aspirateur à voitures. Cela va conduire inévitablement à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre car l’amélioration des moteurs et sa vitesse de diffusion dans l’ensemble du parc automobile ne suffira pas à inverser la tendance.
Dans le dossier de doublement de
Parallèlement à cela, notre gouvernement, dans son plan climat, se donne l’objectif de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050. Cela revient à une réduction de 3% par an. C’est cet objectif qu’il faudrait se fixer en terme de réduction du trafic automobile, même en tenant compte des nouvelles technologies de moteur.
Ces deux exemples montrent combien les décisions prises par le gouvernement vont à l’encontre, à 180 degrés, des objectifs qu’il se donne. C’est cette incohérence flagrante qui nous met dans les derniers du classement en matière de gestion de l’environnement et du développement durable. Cette politique est complètement illisible pour la population, porteuse de grandes désillusions.
Dans aucun des deux dossiers n’apparaît une quelconque volonté politique de traduire dans les faits la gestion intelligente des mobilités tenant compte, par exemple, du taux d’occupation moyen par voiture(1.4) pour chercher des projets rendant l’usage de l’automobile plus efficace. Les seuls arguments présentés sont : le besoin en mobilité augmente, la fréquentation des transports publics ne suffira pas, donc on construit, sans même savoir si on a les capacités financières de réaliser l’ouvrage. C’est un peu comme si un chef d’entreprise, devant faire face à une explosion de sa demande, achetait 1, 2, ou 3 lignes de production supplémentaires, l’amenant alors à la faillite de son résultat d’exploitation. Le bon chef d’entreprise aujourd’hui ne prend évidemment pas cette décision, mais fait tourner ses machines en 2 ou 3 équipes. La gestion intelligente des mobilités permet de réduire les coûts c’est évident.
Il est affolant de voir que sur le contournement Est, on met 8 fois plus d’argent dans une rocade urbaine 2X2 voies que dans l’université, alors que l’on sait que l’économie du 21ème siècle sera celle de la connaissance et des savoirs. De même, la compétitivité des territoires, c'est-à-dire la maximisation des profits et la minimisation des coûts, concept on ne peut plus économique, se fera si nous avons des activités à faible intensité énergétique. De plus il est évident qu'un pays énergétiquement sobre diminue considérablement ses risques face aux problèmes géopolitiques, se donne des marges de manoeuvre diplomatiques, bref, assure son indépendance bien mieux que n'importe quelle arme. De même, à plus petite échelle, un ménage qui met de l'intelligence dans ses choix de localisation, si les collectivités locales structurent l'urbanisme pour que ce choix existe, se rend plus autonome et moins vulnérable aux soubresauts des prix de l'énergie.
Structurer un urbanisme de sorte que l’on soit contraint d’utiliser le mode de transport le plus cher amène à un pillage des ménages et à sacrifier l’avenir pour le présent. Regardons ce tableau qui donne la structure des dépenses des ménages par catégorie socioprofessionnelle en 2001 :
On voit qu’un cadre dépense 20 fois plus d’argent dans les transports que dans l’enseignement. Ce chiffre monte à 60 fois plus pour un ouvrier. A une époque où les besoins éducatifs initiaux et en formation tout au long de la vie sont en augmentation, on mesure la révolution culturelle à laquelle il faut arriver.
Il est important, avant de construire des ouvrages à 500 millions d’Euros, de bien réfléchir à la portée de ce que l’on fait, car les décisions d’aujourd’hui immobilisent pour les générations futures des ressources financières utiles pour les activités économiques d’avenir. Ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui paieront la facture.