Ce constat met d'autant plus en relief l'agriculture BRF associée à l'agroforesterie comme solution à l'aggradation des sols et non à la dégradation des sols que nous promettent la chimie minérale et les OGM. Il est urgentissime d'orienter les crédits de la recherche sur la vie des sols. Cela devrait être le socle de la politique agricole du Modem. Il y a un aussi énorme effort de formation des agriculteurs à faire.
Vous pouvez aller sur ce blog, dans la rubrique agriculture, consulter les articles concernant cette technique du futur, dont des expériences réussies ont eu lieu en France et en Belgique, au Canada.
Voici l'article diffusé par cap21 Grand-Ouest:
La terre: pelure de vie :
Péril en nos jardins
Les sols des champs, des forêts, des jardins sont de plus en plus maltraités. Or, la vie sur Terre dépend des ces 30 cm sous nos pieds !
De mon jardin, à Québec, le centre de la Terre est aussi loin que Lima ou Varsovie. La croûte terrestre, partie solide sur laquelle reposent les continents, est épaisse de 35 km; c’est la distance de chez moi à la banlieue. La couche modifiée par l’eau infiltrée, qu’on appelle le sous-sol, fait moins de 300 m; à peine le trajet jusqu’au bout de la rue. Mais la vie sur Terre dépend des premiers centimètres qui se trouvent directement sous mes pieds. Si, partout dans le monde, on détruisait le sol sur une profondeur équivalente à la longueur de mon avant-bras, la Terre deviendrait aussi désolée que la planète Mars.
Et au rythme où vont les choses, on risque d’en arriver là plus vite qu’on ne le pense. « Les sols de nos champs, de nos pâturages, de nos forêts et de nos jardins sont de plus en plus sollicités, maltraités, amendés en dépit du bon sens, retournés, grattés, érodés, négligés. Ils s’épuisent plus vite qu’ils ne se reconstituent. Le sol, soubassement fécond qui a permis l’aventure de l’humanité et la conquête de notre planète, se tarit et ne pourra plus, au rythme de son érosion, nourrir les 9 ou 10 milliards d’humains que nos sociétés porteront vers le milieu du 21 e siècle. » Cette affirmation de Daniel Nahon, tirée de son récent ouvrage L’épuisement de la terre: L’enjeu du XXI e siècle (Odile Jacob), fait froid dans le dos, alors que le monde est en pleine crise alimentaire. Professeur de géosciences à l’Université d’Aix-en-Provence, le chercheur a longtemps travaillé en Afrique, au Brésil et aux États-Unis. Il lance un appel à la mobilisation: le sol se dérobe sous nos pieds, les terres arables, les seules à pouvoir nourrir l’humanité, sont comptées. Il est temps d’agir.
-L’an dernier, 150 spécialistes réunis en Islande avaient communiqué le même message, qualifiant la dégradation des sols de « crise silencieuse », qui aurait déjà une incidence sur le tiers de l’humanité. Et selon le rapport GEO4 (Global Environment Outlook) sur l’état de la planète, publié par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en novembre, l’état des sols est aussi préoccupant que les changements climatiques, dont il est indissociable, à la fois comme cause et comme conséquence. Mais il est loin de faire l’objet d’autant d’efforts.
L’ensemble des sols qui recouvrent les continents comme une peau constituent la pédosphère (du grec pedon, qui signifie « sol »). Comme l’atmosphère et la biosphère, auxquelles elle est étroitement liée, la pédosphère est nécessaire à la vie. Elle est née il y a 500 millions d’années, permettant à la vie de quitter l’eau pour s’établir sur la terre ferme. Il existe des milliers de types de sols, façonnés par les conditions et l’époque de leur construction. Ceux du Québec datent de la dernière glaciation, il y a 12 500 ans. Les plus profonds n’ont pas atteint un mètre d’épaisseur. Ceux des tropiques, plus anciens, font quatre ou cinq mètres tout au plus.
Le sol est le grand incompris de notre planète », dit Martin Chantigny, biochimiste au Centre de recherche et de développement sur les sols et les grandes cultures du ministère de l’Agriculture du Canada et président de l’Association québécoise des spécialistes en sciences du sol. On le considère comme banal et immuable, alors qu’il est fragile et non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine. « On sait qu’on a besoin d’air pur et d’eau claire pour vivre, explique François Courchesne, spécialiste en géochimie des sols et directeur du Département de géographie de l’Université de Montréal. Mais les gens, y compris bien des scientifiques, voient le sol comme une espèce de cochonnerie dont on ne saisit pas le rôle essentiel. »
La pédosphère est, à l’interfaceentre la terre, l’eau et l’air, un mince biofiltre qui piège, stocke, trie et redistribue les éléments nécessaires à la vie: carbone, oxygène, hydrogène, azote, métaux… C’est le garde-manger de la planète. Une simple poignée de terre abrite un monde fascinant, mélange subtil de solides, de liquides et de gaz, de matières organiques et minérales, où évoluent une multitude d’êtres vivants, pour la plupart microscopiques et inconnus. Le sol retient 60 % de l’eau douce du monde, sans compter les nappes phréatiques, situées dans le sous-sol.
-C’est dans les premiers centimètres que l’activité est la plus intense: il existe plus d’espèces de bactéries, de virus ou de champignons vivant dans le sol qu’au-dessus. Au Québec, un gramme de sol forestier cache trois milliards de bactéries. Un mètre carré de prairie héberge près d’un demi-kilo de vers de terre, qui, en 10 ans, auront digéré presque tout le contenudes 10 premiers centimètres de sol. La biodiversité souterraine est loin d’avoir livré tous ses secrets. En avril, des chercheurs britanniques ont eu la surprise de trouver un véritable tapis de cyanobactéries — les fameuses algues bleu-vert — à la surface des dunes du désert du Kalahari, en Afrique australe. Elles forment là un sol ultramince qui retient le sable et permet la vie dans le désert. Le sol, comme l’air ou l’eau, peut aussi transmettre des maladies: celle de la vache folle, par exemple, passe par le sol des prés. Et le prion, agent de l’encéphalopathie spongiforme, n’est jamais aussi virulent que lorsqu’il est liéà de l’argile, a-t-on découvert ce printemps.
Dans les dernières décennies, la pédosphère a été mise à rude épreuve par les activités humaines. L’étendue des dégâts est difficile à mesurer. La seule étude exhaustive menée à ce jour date de 1991. L’Évaluation mondiale de la dégradation des sols (GLASOD) estimait alors que 10 millions de km 2 de sols étaient gravement dégradés, sur les 115 millions qui couvrent les continents. Depuis, les surfaces touchées auraient encore grandi: selon le PNUE, de 1981 à 2003 seulement, près de 14 millions de km 2 de sols — une fois et demie le Canada — auraient perdu une partie importante de leur capacité de produire de la biomasse, indicateur clé de leur état de santé.