La loi issue du grenelle de l’environnement est-elle à même de tenir les engagements de réduction de la consommation d’énegie fossile pour le domaine du transport?
Pour répondre à cette question il suffit d’analyser les chiffres et les objectifs du Grenelle.
Si veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici 2020, diviser par quatre d’ici à 2050, la partie va se jouer sur le report modal de l’usage individuel de l’automobile sur l’usage collectif de celle-ci, les transports publics, le vélo, la marche à pied.
En effet le déplacement des personnes constitue le premier poste d’émissions CO2 avec une part à 28%.
Les transports routiers internationaux longue distance (>500km), le transport aérien représentent une faible part, le transport de marchandises courte distance (<200km) étant prépondérant pour les poids lourds dans un rapport 40 60 avec les voitures particulières.
Il faut remarquer que le développement important des transports publics lourds depuis 30 ans n’a pratiquement pas atténué le trafic automobile. Celui-ci reste à 80% des déplacements motorisés. Les investissements énormes consentis ont servi à maintenir à peine les parts de marché du transport public. Le transfert modal a été faible.
Le grenelle nous propose d’investir 18 milliards d’euros supplémentaires pour réduire de 18 milliards de km le trafic automobile. Or le kilométrage effectué par les automobilistes français est de 450 milliards de km environ dont à peu près la moitié s’effectue pour aller au travail. En effet 80% des 30 millions de personnes en âge de travailler vont seuls sur leur lieu d’activité en voiture à une distance moyenne de 20km. Cela fait en moyenne 40km par jour, soit 8000km par an, soit à peu près la moitié des 15000km annuels effectués.
On peut considérer que ce type de déplacement représente encore 40% du total des 450 milliards de km.
L’objectif de report modal du grenelle est donc de 4% pour tous les types de déplacements. Sans dire que cet investissement est inutile, le rapport coût efficacité de cette mesure est plus que discutable.
Mais alors que faire?
Il manque l’essentiel, la volonté de travailler sur la logistique du transport des personnes et des marchandises.
Pour les personnes, il existe un outil extrêmement efficace, il s’agit des plans de déplacements.
Individuellement, il n’y a aucune solution alternative à la diversité des besoins en mobilité des personnes pour aller au travail. Par contre, après des études fines, il y a moyen de faire émerger des dénominateurs communs à ces besoins et construire des offres de transports alternatifs sur mesure. Tout mode autre que la voiture utilisée seule est exploré.
De quoi s’agit-il ? Dans une entreprise, une administration, une école, une zone d’activités, un bassin d’emploi, le consultant mène avec un comité de pilotage de l’entité et ses dirigeants une étude permettant d’identifier les besoins en déplacements domicile travail de chacun. On cartographie ensuite cette enquête pour définir des offres de transport efficaces. Ensuite, il y a une phase de négociation et de construction avec les entreprises et les collectivités locales.
Le coût de ce travail est d’environ 50 euros par salarié, ce qui représenterait 1.5 milliard d’euros dont 75% pour l’état au travers des aides de l’ADEME, le reste étant à la charge des entreprises.
Quel serait l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre ?
Nous avons le plus bel exemple chez STMICROELECTRONICS à Grenoble, où le plan a été construit en 2000, et où le kilométrage automobile a diminué de 50% en 5 ans.
Les chiffres ci-dessus montrent que l’usage individuel de l’automobile représente 28% des émissions, le déplacement domicile-travail 14%.
Ainsi, avec 10 fois moins d’argent, on gagne à peu près 7% des émissions en année pleine, soit le double, et uniquement sur le motif domicile travail.
Cette démonstration montre que nous avons tout intérêt à travailler plus sur l’organisation, la logistique que sur les moteurs ou l’extension à l’aveugle des transports publics. Il faut connaître plus finement la mobilité des personnes au travers de plans de déplacements à l’échelle la plus fine possible.
J’ajouterai que si on passe une vitesse sur ce sujet, on améliorera considérablement la fluidité du trafic de marchandises. Rappelons qu’un tracteur semi-remorque consomme environ 35 litres au 100km, mais 10 fois plus, soit 350 litres au 100km lorsqu’il est pris dans un embouteillage sévère, comme c'est souvent le cas en ïle-de-France.
En conclusion, en appliquant les mesures du grenelle au secteur des transports, nous n’avons aucune chance de tenir les objectifs assignés, tout comme nous n’avons pas tenu les objectifs du protocole de Kyoto. Certes, la volonté de baisser les émissions moyennes du parc est présente, mais c’est oublier le temps de renouvellement du parc automobile. A contrario, il n’y a rien sur l’organisation de nos mobilités, alors que cela permettrait de gagner plus en dépensant moins, avec moins de taxes et donc avec une meilleure acceptabilité sociale.
Le volet transport du Grenelle est à revoir.