20.10.2008
Corinne Lepage: éviter l'effondrement
Dans son livre « Effondrement » consacré aux choix des sociétés de survivre ou de disparaître, Jared Diamond identifie 4 formes de comportement collectif qui ont été fatals aux sociétés qui les ont choisis/
· L¹incapacité d¹identifier un problème avant qu¹il ne se manifeste
· L¹incapacité de percevoir un problème alors qu¹il est présent
· L¹incapacité à résoudre voire même à réellement chercher des solutions lorsque le problème est identifié
· Et surtout le maintien d¹un système de valeurs sociales inadaptées à la situation nouvelle.
Et Jiamond écrit à ce propos : » il est douloureusement difficile de décider qu¹il faut abandonner certaines de ses valeurs centrales quand elles sont devenues incompatibles avec la survie ».
Je laisse nos auditeurs s¹interroger sur notre incapacité plus ou moins manifeste à répondre aux trois premier enjeux s¹agissant non seulement de la crise financière et économique, mais surtout de la crise énergético-écologique qui est celle de la prise de conscience de nos limites.
Je voudrais m¹arrêter sue la question du système de valeurs qui est en réalité la clé du reste. Dans un ouvrage remarquable intitulé l¹enfermement planétaire , André Lebeau traite de la question de la confrontation de la logique libérale au problème des limites de la terre, générant une régression économique , voire un effondrement. Or, nous ne parvenons pas à traiter la question de la démographie pas plus que celle de la gestion dans un intérêt commun des ressources naturelles nécessaires à notre survie Le fait que les ressources soient localisées et les pollutions souvent diffuses accroît encore les sources d¹interdépendance mais aussi d¹inégalités croissantes, l¹accroissement des revenus se faisant sur l¹exploitation des richesses. Croissance est synonyme d¹augmentation du revenu et non pas d¹augmentation du patrimoine collectif . Notre système de valeurs est donc inadapté et ce d¹autant plus que la croissance des 30 dernières années s¹est accompagnée d¹un accroissement des inégalités entre personnes et entre pays qui a servi de moteur à ladite croissance.
Eviter l¹effondrement , c¹est-à-dire faire le choix de la survie , c¹est donc s¹attaquer à notre système de valeurs qui est la cause profonde du crach financier . En admettant nos erreurs et en refusant que les responsables physiques des drames actuels tentent de s¹autojustifier en nous proposant de continuer sur le même système, voire même comme Alain Madelin en accablant les victimes que sont les emprunteurs américains. Il est nécessaire de commencer avec des mesures symboliques mais fortes comme la suppression des parachutes dorés et bonus de dirigeants financiers par la loi, le droit de vote étendu des Etats dans les banques dans lesquelles il aura investi et une législation rigoureuse excluant toute autorégulation dont on a vu où elle conduisait. Pendant « les affaires » les affaires ne sauraient continuer.
En second lieu, en évitant à tout prix que les Etats qui sont derniers garants de la vie collective ne soient déstabilisés, car ce serait alors un risque de chaos pour les nations. Les Etats sont aujourd¹hui les seuls à pouvoir faire face aux réorientations économiques et sociales majeures auxquelles il faut procéder sans délai. A cet égard, on ne saurait trop rappeler combien la frilosité du parlement français au regard de la loi Grenelle apparaîtra, si elle se poursuit , comme une chance historique partiellement manquée pour l¹économie et la société française.
Ce sont également les Etats qui peuvent au niveau international concevoir un réel système sur le modèle par exemple proposé par le professeur Stiglitz, prix Nobel d¹économie, de permettre le développement des pays du sud tout en évitant la déforestation grâce à une généralisation des mécanismes de Kyoto au monde entier.
Comprenons bien ! Nous sommes à la croisée des chemins.
· Ou bien , notre système de valeurs change et s¹écarte de l¹hyperlibéralisme pour revenir à une économie de marché très régulée par une priorité donnée la lutte contre le changement climatique et l¹adaptation de notre humanité à des changement d¹ors et déjà inévitables . Ce choix implique un retour à l¹éthique, un efforts sans précédent de solidarité et de réduction des inégalités pour éviter notamment la montée de la violence voire des guerres. C¹est un projet de civilisation au sens qu¹Edgar Morin a voulu donner à ce terme
· Ou bien , nous nous limitons à une analyse de la situation limitée à une crise économique de caractère cyclique et nous mettons les rustines en conséquence . Dans ce cas, la crise n¹aura servi à rien si ce n¹est à accélérer les mécanismes inévitables qui conduisent à notre effondrement collectif.
Le développement durable , avec une soutenabilité forte c¹est-à-dire exigeant le maintien du niveau des ressources, est aujourd¹hui un choix rationnel. Etre optimiste consiste à penser que ce choix absolument nécessaire pourra être un choix suffisant.