Le président de la République avait chargé deux prix Nobel : Amartya Sen et Robert Stiglitz de mettre en place un PNB vert. Plus personne n'en parle et ce projet peut apparaître aujourd'hui comme parfaitement obsolète compte tenu de la crise économique et financière. Cependant, et de manière paradoxale, l'adjonction d'un indice de bien-être économique à côté d’un PNB en berne présenterait de très nombreux avantages particulièrement dans l'année qui vient.
De quoi s'agit-il ?
L'indice de bien-être économique n’est pas unique : il existe d’autres indices qui visent le même objectif, à savoir patrimonial. Partant du PNB, il ajoute et il retranche ce qui a amélioré le patrimoine collectif et ce qui l’a réduit. Ainsi, les services gratuits, l'amélioration du patrimoine naturel, les dépenses d'investissement pour préparer l'avenir, santé, recherche, éducation viennent en plus. A contrario, la réduction du patrimoine naturel, la maladie, la délinquance, l'augmentation des inégalités vienne en déduction. Ainsi, l'indice de bien -être économique offre une image beaucoup plus réelle de la progression de la société sur une année. C'est précisément parce que les perspectives pour 2009 sont particulièrement noires sur le plan économique que le moment est particulièrement bien choisi pour changer de grille de lecture. Le très récent rapport du laboratoire européen d’anticipation considère en effet que la fin du premier trimestre de l’année 2009 va être caractérisée par une prise de conscience générale de l’existence de trois processus déstabilisateurs majeurs de l’économie mondiale, à savoir :
1. la prise de conscience de la longue durée de la crise
2. l’explosion du chômage dans le monde entier
3. le risque d’effondrement brutal de l’ensemble des systèmes de pension par capitalisation.
Dès lors, les facteurs psychologiques vont jouer un rôle extrêmement important puisque les opinions publiques risquent de considérer que la crise échappe en réalité à tout contrôle avec donc un risque de chaos social. Les états s'avèrent incapables de gérer socialement la montée du chômage et de donner de réelles perspectives aux populations.
En effet, plus la crise durera plus elle sera porteuse d'instabilité socio-économique. S’y ajoute bien sûr le risque d'effondrement brutal du système de retraite par capitalisation puisque l’OCDE estime à 4.000 milliards USD les pertes des fonds de pension pour la seule année 2008. La prise de conscience par les opinions publiques de ces tendances et de leurs conséquences pourrait constituer le grand choc psychologique mondial du printemps 2009. De même que les investissements hors la société post pétrolière apparaissent comme déraisonnables et irrationnels, de même le maintien, pour mesurer l'évolution de la société, du seul critère du PNB apparaît comme un facteur d'accroissement de la crise, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il est certain que la crise et le chômage croissant vont conduire a une augmentation importante des activités non rémunérées mais qui constituent une création de valeur incontestable, comme les aides à la personne, les activités d'entretien et de réparation, l’usage du potager pour nourrir sa famille. Tous ces activités ne sont pas comptabilisées dans le PNB mais sont évidemment extrêmement importantes pour la vie quotidienne, voire pour la survie d'un certain nombre de personnes.
Ensuite, le ralentissement économique va s'accompagner d'une réduction des pollutions et des émissions de gaz à effet de serre, d'une réduction de la circulation automobile améliorant ainsi la santé des habitants des villes même si parallèlement les difficultés financières vont rendre plus difficile pour un certain nombre de personnes l'accès aux soins. Ces éléments sont à prendre en compte.
On peut aussi imaginer que la crise favorise le système D, l'entraide, la solidarité et conduisent ainsi à retrouver, par la force des choses, des relations humaines d'une qualité très supérieure.
Il est donc économiquement et socialement tout à fait faux de ne pas considérer que ces évolutions apportent un plus à la société et doivent à ce titre être comptabilisés dans l'indice de bien-être économique.
Cette transformation permettra de mieux appréhender la réalité globale de la crise, de mesurer avec d’autres critères son impact et donc d’orienter différemment les politiques publiques pour favoriser le maintien d’une certaine cohésion sociale dans un esprit de justice qui est aujourd’hui totalement absent.
Elle permettra aussi d’améliorer le moral de nos concitoyens en donnant tout d'abord une valeur économique à ce qui est aujourd'hui n’en n’a pas et en cessant de considérer comme avantage ce qui n'en est pas un. Rappelons par exemple que la finance virtuelle a été le principal moteur de la croissance du PNB au cours des dernières années.
On voit où cela nous a conduit !
Enfin surtout, la recherche d'un accroissement de l’indice de bien être économique donne un sens, une direction à la société à un moment où précisément une menace de troubles sociaux existe, liée précisément à la disparition d'un modèle sans qu’aucune solution alternative ne soit réellement proposée. Le changement de critère de référence constituerait précisément un des symboles les plus forts d’espoir.
Tribune France-Culture du lundi 22 décembre
Mon commmentaire:
Nous connaissons très bien ces calculs dans le monde de l'entreprise. C'est le coût de non qualité. Il comprend 2 volets:
-les dépenses de non qualité subies (coût de réparation). Ce sont essentiellement les coûts de rebuts et de reprise des produits qui rentrent dans cette catégorie. Par exemple, un acheteur subissant la pression court terme de son management achète moins cher un composant dont l'équivalence en assemblage système pose problème. Ce sont n systèmes qui seront repris en ateliers de réparation.
-les dépenses consenties ou encore choisies. Ce sont les dépenses que l'on fait en amont de la fabrication du produit pour fabriquer bien du premier coup. Ce sont les contrôles très en amont, les analyses préalables de modes de défaillance, de leurs conséquence et de leur criticité. En politique environnementale, cela s'appelle le principe de prévention.
Trouver un modèle de développement permettant de donner une réalité à cette nouvelle manière de compter, c'est par exemple trouver des modes de vie à confort quasi identique en dépensant 10 fois moins d'énergie. Or aujourd'hui, la croissance de PIB et les revenus des acteurs économiques sont assis sur la consommation d'énergie fossiles essentiellement. Pour que la transition énergétique se fasse, il faut effectivement monétariser les services gratuits fournis par la nature et rendre plus chère l'énergie. Il faut aussi rémunérer plus fort les acteurs favorisant les économies.
L'économie de l'environnement se mène exactement comme une politique qualité dans une entreprise.
On peut ajouter un exemple encore pour illustrer:
Une société dont la cohésion sociale explose amène inévitablement une augmentation de la délinquence et une réaction sécuritaire avec une augmentation des besoins en ressources humaines dans la police, la justice etc..., une augmentation de la difficulté d'exercer les fonctions d'enseignement du savoir, plus généralement, une augmentation des coûts de réparation et de contrôle.
Une société économiquement sans problème majeure est apaisée et ne nécessite que peu de forces de l'ordre.
Le maître mot d'une société durable est: partage (donc fiscalité plus juste et refuser la paranoïa qui veut que les capitaux vont s'en aller ailleurs. Ce ne sera pas le cas si notre pays est attractif et apaisé). Certaines sociétés très performantes économiquement dès aujourd'hui ont intégré ce paradigme dans leur stratégie marketing et construisent de nouvelles offres à partir de ce mot.