18 janvier 2009
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Un débat a lieu actuellement au sujet de l'implantation d'une ligne à grande vitesse en PACA. Voici quelques éléments de réflexion.
Il est difficile, pour l'animateur transports au niveau national que je suis, Rouennais de surcroit, de m'exprimer sur un dossier local dont je ne connais pas tous les éléments. En même temps, je ne peux me défausser de vous expliquer ma position et de donner modestement quelques éléments techniques pour que vous puissiez argumenter lors de vos débats publics et de vos combats. Je mettrai cette contribution sur le forum du Modem et sur le blog transports de cap21. Nos échanges serviront, comme l'a dit Corinne lors de la réunion des animateurs Samedi, c'est à dire hier, à construire un corpus de positions Modem, et non une position militante ou une autre. Ce sont ces échanges qui fabriqueront le corpus et non une quelconque position venant d'en haut. Le rire est le propre de l'homme a dit Bergson (célèbre citation utilisée par de nombreux candidats au baccalaureat). Et bien, je dirai aussi le doute est le propre de l'homme. Les échanges entre nous sur ce genre de sujet contribueront à atténuer (mitigation en anglais) le doute, sachant que la certitude absolue n'existe dans ce bas monde puisque nous sommes en face de complexités et d'un monde futur que nous ne connaissons pas.
Dans l'esprit, le problème des LGV est de même nature que celui des autoroutes ou des canaux à grand gabarit, bref, de toutes les infrastructures capacitaires. Votre problème me fait penser à une petite commune du Val d'oise dont j'ai oublié le nom et qui mène un combat furieux contre le canal Seine Nord pour sauver un petit pont romain alors qu'un tel outil peut enlever des milliers de camions sur les routes. Je pense qu'il faut avoir des positions argumentées à partir d'une réflexion système sur tout cela.
L'important dans l'histoire est de ne pas oublier les fondamentaux du Modem, c'est à dire de regarder les choses au travers du prisme développement durable. Pour des problèmes opérationnels comme celui-ci, j'utilise souvent la définition suivante, que j'ai fabriquée pour des interventions transports durables dans l'enseignement supérieur: "exercer les fonctions de la vie avec un confort sensiblement égal à celui d'aujourd'hui en prélevant un minimum de ressources sur notre environnement". C'est la donnée d'entrée que je vous propose.
Voici la donnée d'entrée du problème LGV au regard de cette définition. En terme de développement durable, il s'agit d'assurer la mobilité des personnes (qui ne diminuera pas dans un délai court) en diminuant fortement le trafic routier. Il est difficile, à mon avis, de prendre une position pour ou contre. Etre Modem, c'est justement sortir des débats manichéens pour entrer dans des arguments factuels basés sur une vision globale des mobilités.
A la suite d'une analyse approfondie, le résultat peut être non ou oui si, mais en aucun cas un oui sans condition. Rappelons des ordres de grandeurs. 60% trafics de voitures particulières 40% trafics camions dont 6 à 10% de transports routiers internationaux. L'essentiel des trajets marchandises est du cabotage de 150 km environ. Pour les voitures particulières, l'essentiel du trafic est de petite distance. En moyenne, une automobile se déplace sur 40km par jour en 3.3 fois.
Ensuite, l'histoire des mobilités et du transport public nous enseigne que malgré tous les investissements faits dans les transports publics urbains, le transfert modal de la voiture vers ceux-ci a été faible. On ne sort pas véritablement de la proportion 80 20 en faveur de la voiture pour les déplacements motorisés. Bien sûr, ici, nous sommes dans des déplacements longue distance, mais le fond du problème reste le même.
Cette histoire des mobilités montrent aussi que plus un système de transports est rapide, plus cela incité les gens à se déplacer loin (loi de zahavi). Ceci explique la fameuse périurbanisation induite par les autoroutes et rocades urbaines. L'inflation de telles infrastructures a permis à un certain nombre de ménages d'échapper à la pression foncière des centres villes.
Effectivement, et spécifiquement en province, on manque cruellement d'une offre ferroviaire avec une bonne fréquence et une capacité à transférer une partie du trafic autoroutier vers cette offre ferroviaire. Effectivement, la priorité doit plutôt être vers la qualité des liaisons interurbaines. Pour autant, faut-il abandonner la grande vitesse?
Les questions de tracé doivent se faire en concertation avec les associations en prenant son temps pour prendre en compte l'ensemble des paramètres intervenant dans le système, dont la qualité de vie.
Prendre le temps de la concertation n'est pas bavarder sur le tracé en sachant que les décisions sont prises, c'est vraiment une négociation avec des concessions de chacun. On est loin de cela aujourd'hui dans le débat public, il faut tenir bon là dessus.
N'oublions jamais que l'idéologie du tout train n'est pas meilleure que le tout voiture. L'efficacité dans le domaine des mobilités est atteinte avec une combinaison des modes. Une ligne TGV non accompagnée d'une offre de transports publics performante dans les villes étapes génère du flux voitures supplémentaires. Le problème doit être analysé dans sa complexité.
D'un point de vue économique, il faut considérer qu'une ville desservie par la grande vitesse est de nature à attirer de l'économie. On peut se servir de cet outil pour décongestionner des grandes agglomérations et créer des nouvelles zones économiques. Cela peut être un outil d'aménagement du territoire à condition que la gouvernance soit au rendez-vous (pas de mégalomanie ni de cupidité).
Pour cela, il y a une analyse de Jean-Marc Offner, chercheur au LATTS, datant de 1993 dans la revue l'espace géographique "les effets structurants des infrastructures de transports: mythe politique ou mystification scientifique". C'est un bon outil de réflexion pour ces sujets.
article-offner-espace-geo.pdf
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