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Texte libre

Corinne Lepage,

ministre de

l'environnement

 de 1995 à 1997

et présidente de cap21

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22 juillet 2006 6 22 /07 /juillet /2006 19:51

En matière de solutions au réchauffement climatique, il y a deux écoles. En Europe, on est bien conscient que la porte de sortie se situe dans l'inflexion de nos pratiques quotidiennes (transport, chauffage, alimentation), en Amérique du Nord, on pense que le progrès technique résoudra le problème. Dans ce deuxième cas, augmenter l'efficacité des puits carbone constitue-t-il un outil possible?

Il convient d'abord de préciser certaines choses sur l'effet de serre pour comprendre pourquoi les puits carbone constituent un enjeu.

Les modèles climatiques ont permis de découvrir que l'augmentation de la température moyenne à la surface de la terre était fortement corrélée à la concentration du carbone dans la haute atmosphère, celle-ci induisant ce que l'on appelle l'effet de serre.

Quant on parle d'absorption du carbone, il faut se représenter la dynamique du cycle du carbone, c'est à dire les échanges entre la terre et l'atmosphère. Autrement dit, à quelle vitesse  envoyons-nous le carbone dans l'atmosphère, combien de temps reste-t-il dans celle-ci, à quelle vitesse le carbone est-il absorbé à la surface de la terre?

Il est insuffisant de regarder les courbes moyennes de concentration carbone dans l'atmosphère intégrées sur des échelles de temps longues, il faut aussi regarder l'ensemble du cycle du carbone, et en tirer une représentation temporelle pour en connaître la dynamique émission-absorption-durée de vie. Cette dynamique est une équation d'équilibre qu'il faut connaître. 

Dans ce contexte, les forêts sont-elles un puits carbone suffisant pour ralentir le réchauffement climatique? La végétation peut-elle compenser l'élévation du taux de dioxyde de carbone atmosphérique en poussant plus rapidement? C'est l'enjeu de la recherche de Stephan Hättenschwiler au centre d'écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier.

En fait, comme on pouvait s'y attendre, plus les sols sont riches en azote, plus certaines plantes poussent vite, ce qui augmente leur potentiel d'absorption du carbone. C'est ce qu'ont démontré des américains qui ont suivi sur 6 ans la croissance d'espèces de prairies poussant sur des terrains enrichis ou non en azote, dans une atmosphère moins riche en CO2. (source P.Reich et al., nature, 440,922,2006). L'intérêt de cette étude est que pour la première fois, on a regardé les effets croisés du CO2 et de l'azote.

Va-t-on alors pouvoir construire un système végétal accélérant l'absorption de CO2 grâce à l'apport d'azote, constituant ainsi un système de compensation à nos émissions de gaz à effet de serre? Rien n'est moins sûr. Stephan déclare que des expériences de terrain, menées sur les forêts tempérées, montrent que les arbres adultes ne grandissent pas plus vite lorsque le CO2 atmosphérique augmente. D'autre part, la décomposition de la biomasse ou les incendies renverront du carbone dans l'atmosphère (source C.Kröner et al.,Science, 309, 1360, 2005).

Nous aurions tort de penser qu'en trafiquant la nature, cela nous permettrait  de continuer sur les mêmes modes de vie avec la même insouciance. C'est un risque que nous ne pouvons prendre. Les puits carbone ne constituent pas une solution durable au problème du réchauffement climatique.

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