Il manquait sur ce blog un texte un peu énergique sur le vélo. Le voici. Il est volontairement polémique, mais il est impossible de laisser passer des textes de presse incceptables à une époque où il faut lutter contre le réchauffement climatique.
Le vélo reprend timidement sa place dans la ville en France avec un manque évident d'ambition et de moyens cependant, grâce à la loi Lepage de 1996, dite loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, Loi 96-1236 1996-12-30 art. 20. , et aujourd'hui inclus dans le code de l'environnement Article L228-2 En vigueur. Rappel de la loi:
"A l'occasion des réalisations ou des rénovations des voies urbaines, à l'exception des autoroutes et voies rapides, doivent être mis au point des itinéraires cyclables pourvus d'aménagements sous forme de pistes, marquages au sol ou couloirs indépendants, en fonction des besoins et contraintes de la circulation.
L'aménagement de ces itinéraires cyclables doit tenir compte des orientations du plan de déplacements urbains, lorsqu'il existe.
C'est pourquoi il faut s'élever contre la campagne systématique de dénigrement de ce mode de transport orchestrée de façon récurrente par la presse parisienne et encore récemment par l'hebdomadaire Marianne avec une interprétation et un commentaire de sondage calamiteux. Marianne et Juliette Loir, auteure de l'article, ont fait preuve, en l'occurence, d'une rare incompétence et méconnaissance de la problématique du vélo en ville et plus généralement des transports urbains. Un tel tissu de bêtises et de contre-vérités est rare en si peu de lignes. J'invite Marianne, dont ce n'est pas la première attaque sur le vélo, à regarder le site de la fubicy pour apprendre et réfléchir avant d'écrire, et surtout, voyager dans les pays d'Europe du Nord.
Voici l'article de Marianne à bien vite oublier.
"Paris : Les vélos, mauvais élèves de la route
Marianne en ligne Le 01/08/2006- par Juliette Loir
Selon un sondage réalisé pour la mairie de Paris, les conducteurs de
bicyclettes sont de véritables fous du guidon !
N'ayez plus peur des motards ou des autombilistes chevronnés, aujourd'hui
les bêtes noires du bitume de la capitale sont... les cyclistes ! A Paris,
la palme du non-respect du Code de la route est désormais attribuée aux
vélos !
Selon un récent sondage réalisé par le bureau d'études Sofreco pour la
Mairie de Paris, 71% des cyclistes grillent les feux rouges, 37% empruntent
les sens interdits et plus d'un sur deux (52%) ne disposent d'aucun
éclairage avant ou arrière la nuit. Et même si les cyclistes ne représentent
aujourd'hui qu'1,5% des déplacements dans la capitale, l'augmentation de
leur nombre est constante : + 48 % depuis 2001 ! Si beaucoup d'entre eux
arborent fièrement leur bicyclette, affirmant ainsi faire un geste contre la
pollution, certains profitent bel et bien de ce prétexte pour ne pas
respecter le B-A-BA des règles de conduite. Un comportement qui se révèle
être en réalité bien plus dangereux que ce que l'on pense.
En effet, à force de ne pas respecter la signalisation, les cyclistes se
mettent gravement en danger. Sur 509 accidents impliquant des deux roues non
motorisées, le vélo n'est en tort que dans 194 cas. Des risques inconsidérés
qui les placent plus souvent en victimes qu'en cause ! Pour l'association
Mouvement de défense de la bicyclette, c'est toute la règlementation
routière qu'il faudrait changer, comme par exemple aménager des contresens
cyclables (comme c'est déjà le cas dans beaucoup de pays étrangers). En
somme, pour les aficionados du biclou, la faute vient de la Ville de Paris
qui ne fait pas assez en matière de pistes cyclables ! Des propos qui ont de
quoi défriser Bertrand Delanoë, le maire de Paris. Reste que les cyclistes
ne peuvent résolument pas contester les multitudes d'entorses au Code la
route qu'ils commettent. Le nombre total d'infractions pénalisées pour les
vélos a augmenté de 134 % en 2005 par rapport à 2004 !
Les automobilistes se montrent, quant à eux, de plus en plus irrités par le
comportement des vélos à Paris. Entre les feux grillés, les priorités non
respectées et les queues de poisson à tout va, les cyclistes se donnent le
droit d'user et d'abuser du Code de la route. Un constat attentivement
observé par les forces de polices qui ont décidé de se montrer plus fermes
désormais face à ces écarts de conduite. De quoi freiner les ardeurs des
nouveaux Hell's Angels de l'asphalte..."
Tout d'abord, en matière de sécurité routière, surtout en ville, on ne peut pas tricher avec la physique. Plus l'énergie cinétique, donc la vitesse, est grande, plus on est générateur d'accidents, et ceci quelque soit les lois, règlements, et codes. Ne nous méprenons pas. Les acteurs les plus dangereux de la voie, et de très loin, sont les véhicules motorisés. Alors citons les et commençons par les plus dangereux de tous, les deux roues à moteur, dont les dépassements de vitesse sont de 90% au dessus des vitesses limites, soit par exemple 90km/h pour 50 en ville. Les motos et les scooters sont les premiers de la classe en matière de dangerosité, de loin. Les chiffres de l'observatoire de la sécurité routière ne souffrent aucune contestation là dessus. Ensuite, les automobiles et véhicules utilitaires légers suivent dans le classement. Enfin, les piétons et les cyclistes urbains sont les acteurs les moins prédateurs en la matière.
N'oublions jamais qu'aujourd'hui, une politique de sécurité routière ne doit pas viser uniquement à réduire les accidents et leurs effets, mais aussi et surtout porter une politique de création d'une ville durable respectant les nouveaux canons de l'environnement. Les piétons, déjà nombreux et les vélos doivent réinvestir massivement la voirie pour redonner à la ville sa qualité de vie et sa fonction première, rapprocher les hommes par les distances dans une circulation apaisée.
Or nous sommes, dans ce débat, complètement à côté de l'objectif. Le code de la route a été construit pour favoriser la circulation en vitesse de pointe élevée des véhicules motorisés. Le tir a été corrigé par l'implantation d'une répression justifiée sous forme de radars, mais sans corriger la voirie urbaine pour induire des comportements vertueux.
Que reproche-t-on aux cyclistes dans cet article?
Griller les feux? Soyons sérieux une seconde. Il faut être fou pour griller des feux concernant des croisements à grande circulation. L'immense majorité des cyclistes respectent les feux parce qu'ils connaissent les dangers que représentent les véhicules motorisés. Mais on n'empêchera jamais les comportements suicidaires de quelques uns. Cela ne veut pas dire qu'il faut mettre l'ensemble de la population cycliste dans le même panier.
Remonter les sens interdits? Comment ne pas comprendre qu'un cycliste roulant à 15km/h veuille remonter une voie à sens unique lorsque le seul respect de la règle lui impose un détour de plusieurs kilomètres suite à une configuration de sens interdits construite pour les voitures. Une récente étude de la fubicy que l'on peut commander et qui a été financée en partie par l'ADEME, montre qu'autoriser les vélos à remonter les sens uniques favorise l'usage du vélo. L'accidentologie est inexistante. En effet, il y a visibilité réciproque, le risque de collision est nul et la largeur est suffisante pour une voiture et un vélo. En Allemagne plus de 80% des sens uniques sont ouverts aux vélos dans les deux sens. Appliquons donc cette règle au niveau de l'urbanisme, elle n'est pas coûteuse et très efficace. Je vais montrer dans un autre article le désastre des effets de coupure pour les cyclistes et les piétons.
Et les queues de Poisson aux voitures? Là, on touche le fond de la bêtise. Un vélo ne peut pas faire de queue de Poisson à un véhicule qui roule à une vitesse normale. Donc, c'est à l'arrêt ou au ralenti que le geste est techniquement possible. Alors, là encore, il faut comprendre. Un vélo doit pouvoir remonter une longue file de voitures embourbée dans un bouchon ou arrêtée à un feu et se mettre devant. Ce n'est pas choquant. Si vous circulez à Bruges, vous remarquerez que les automobilistes cèdent systématiquement le passage au usagers faibles, sans contester et ni se plaindre aux pouvoirs publics, et avec le sourire. Ils aident, par exemple en s'écartant, les cyclistes à passer devant aux feux dans un code de la rue, c'est à dire un code de comportement normal dans un pays civilisé. Là-bas, on ne qualifie pas les cyclistes de "Hell's angels de l'Asphalte", au contraire, devant la petite reine, on enlève son chapeau, on tire sa révérence et on cède le passage, comme on le fait à une souveraine en se présentant devant une porte. Il est courant de voir dans cette ville une dizaine de vélos agglutinés à un feu devant les voitures.
Oui, n'en déplaise à Marianne, les pouvoirs publics sont pleinement responsables de l'insécurité routière en ville, pour n'avoir pas su redonner la place qui revient aux modes doux dans des proportions compatibles avec des politiques de transports durables. Un cycliste urbain, peu nuisible ni aux autres usagers ni à l'environnement, doit pouvoir avoir accès partout pour lui éviter des détours inutiles. La bicyclette est la reine de la ville, le mode de transport le moins énergivore et le moins polluant de tous, le moins accidentogène aussi.
J'invite aussi Juliette Loir a parcourir le reportage photo sur Bruges dans ce blog. On y voit que les vélos et les piétons peuvent aller partout avec le minimum de contraintes. En effet, il faut comprendre que si on veut changer les comportements de mobilité, il faut augmenter les contraintes sur les engins motorisés et diminuer celles des modes doux. Ceci, bien évidemment, exclut l'obligation du port du casque pour les vélos. Cette idée vient d'une politique curative par rapport à l'idée que l'on se fait du rapport aux usagers motorisés. Si on impose le casque aux cyclistes urbains, alors il faut aussi l'imposer aux piétons et aux automobilistes étant donné que les traumatismes crâniens sont plus nombreux dans ces populations. Là aussi, les chiffres de la sécurité routière sont incontestables.
Je crois que ce sont plutôt les usagers des véhicules motorisés qui poussent pour imposer cette mesure afin de se dédouanner de leur responsabilité flagrante dans les accidents graves. Ne laissons pas faire une mesure qui n'aurait que des effets induits désastreux. Restons sur le conseil du port du casque, cela suffira.
Au contraire, il faut diminuer les obligations s'imposant aux modes doux pour atteindre les objectifs de développement durable et augmenter les contraintes pour les véhicules à moteur. Il vaut mieux apaiser encore plus les vitesses, ce sera beaucoup plus efficace. Cela est démontré et appliqué à l'étranger, spécifiquement en Europe du Nord, exemplaire sur ce point.
Solutions d'avenir: quelles sont les solutions qui ont marché au delà de toute espérance en Europe?
Certaines villes ont supprimé les feux et stops. Tout le monde est au même niveau. La conséquence est que le nombre de piétons et de vélos a explosé, diminuant ainsi, par inversion des rapports de force, les vitesses des motorisés. D'autres ont cassé complètement les vitesses autoritairement. Portsmouth, dans le Sud de l'Angleterre, vient de passer toute sa ville à 20km/h, Fontenay-aux -Roses l'a fait à 30km/h. Ce sont ces exemples qu'il faut suivre.
Le bilan de l'invasion de la ville par les véhicules motorisés est affligeant:
baisse considérable le la qualité de vie urbaine, bruit, inflation de coupures urbaines, création de quartiers entourés de routes à 4 voies provoquant un baisse de qualité de l'environnement de l'habitat, donc une baisse des prix et un afflux de personnes à revenus faibles contribuant à la ghettoïsation foyer de violences urbaines, création de zones infréquentables (parkings, dessous de ponts autoroutiers, etc.), envoi des familles aisées vers les couronnes urbaines lointaines alimentant les déplacements individuels en automobile et alimentant les nuisances (pollution de l'air, excès d'occupation d'espace public, émissions de gaz à effet de serre), inefficacité record en matière de temps de trajet avec l'inflation de la congestion, sans compter le responsabilité flagrante de l'excès d'automobile dans la spéculation immobilière en provoquant des inégalités fortes entre des quartiers à forte nuisance et des quartiers à faible nuisance, donc des écarts énormes de prix.
Il suffit, par contraste de regarder le paysage brugeois pour voir la différence.
J'espère que le délégué à la sécurité routière Rémi Heitz continuera, avec bon sens et sans retenue, son combat contre les vitesses et participera à l'expansion des modes de déplacements non prédateurs, piétons, vélos, transports publics par des mesures de sécurité routière appropriées. Un gros effort doit être fait sur les scooters et les motos, en milieu urbain. Il n'est pas acceptable de stigmatiser toute une population de cyclistes utilisant son vélo tous les jours pour ses besoins de déplacements en montrant du doigt une poignée de marginaux ayant des comportements irresponsables alors que nous avons besoin des encouragements et de l'énergie de tous, y compris la presse, pour rendre nos agglomérations plus vivables et inciter les élus à changer leur vision de l'urbanité.
Pour conclure, et pour faire un clin d'oeil à une comédie musicale connue:
"il est venue le temps de la bicyclette, le monde est entré dans un nouveau millénaire".