Travailler plus pour gagner plus. Ce slogan est exploité largement par les médias et le monde politique. Pourtant, en y regardant de plus près, la réalité est beaucoup plus contrastée.
Il convient de corriger les discours pour avoir une vision plus juste de la question du temps de travail. Il faut distinguer la durée légale et la durée effective. Les chiffres d’Eurostat montrent que la durée effective est plutôt plus élevée en France qu’ailleurs. C’est la répartition des heures sur les actifs qui diffère d’un pays à l’autre. Par exemple aux Pays-Bas, le temps partiel est très développé, même chez les cadres.
Pour autant, y a-t-il un potentiel supplémentaire de travail en France ?
Si on regarde les temps de déplacements pour aller au travail, il est certain que la marge de manoeuvre est énorme. Les difficultés de se loger près de son travail à un prix convenable obligent une partie des actifs à consacrer parfois jusqu’à 3h de transports par jour, soit plus de 35% du temps de présence sur le lieu de travail. Or notre urbanisme est conçu pour le déplacement individuel en voiture, ce qui enferme les ménages dans un véritable piège à une époque où la mobilité professionnelle est forte. Non seulement, c’est un non sens économique car coûteux pour les ménages, mais c’est aussi un non sens environnemental. En effet un simple calcul sur un tableur montre que c’est un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliers d’Euros sur 30 ans. La situation se complique doublement pour les couples.
Cette situation est aussi un non sens macroéconomique car elle pèse sur la réserve de puissance que nous aurions pour travailler plus, sans forcément rendre la vie quotidienne plus difficile. Si on consacrait la moitié du temps de trajet gaspillé à travailler plus, et l’autre moitié aux autres temps de la vie, notre compétitivité économique exploserait dans le bon sens. En sus, sur le plan national, la difficulté de se déplacer aux heures de pointe oblige les pouvoirs publics à surdimensionner le réseau routier pour faire passer ces flux de pointe. Il y a là aussi un énorme gaspillage pesant sur la compétitivité économique d’un territoire. Le temps passé dans une voiture est non productif dans la majeure partie des cas.
Les outils pour organiser les mobilités existent, ils s’appellent les plans de déplacements entreprises dont STMICROELECTRONICS à Grenoble est l’exemple le plus ancien.
Autre exemple: la faculté de droit de Rouen a été installée au centre ville pour rapprocher les activités des étudiants. L'absence de plans de déplacements aboutit aujourd'hui à ce que les étudiants réclament un parking, ce qui pose bien évidemment des problèmes de pression foncière. La municipalité est débordée et doit faire face à un mécontentement grandissant.
Un outil moins connu, mais tout aussi efficace est la mise en place des bureaux des temps. La plus belle réussite est la maison du temps et de la mobilité de Belfort. Les bureaux des temps ont pour intérêt de cartographier grâce aux systèmes d’information géographique les temps de la ville afin de synchroniser les transports sur d’autres activités par exemple.
Regardons un cas concret montrant l’utilité des bureaux des temps. Au parc des expositions de Villepinte, lors du Midest, salon mondial de la sous-traitance, il y avait simultanément 2 autres salons fermant à la même heure, déversant des milliers de voitures en même temps sur les bretelles d’accès aux autoroutes A104, A1, A86. Le résultat est 2 heures de trajet pour faire quelques kilomètres sur des parcours autoroutiers. Un simple décalage d’horaires est susceptible de limiter la casse.
Un autre outil simplissime serait de passer une vitesse sur le développement du télétravail pour les activités tertiaires. Les entreprises ont tout à gagner à développer ce thème. Les outils informatiques sont au point pour réaliser cela.
L’efficacité économique passe aussi et surtout par le management des mobilités et une meilleure organisation sociale. Les outils existent. C’est à l’état de créer les conditions pour que le management des mobilités soit un enjeu national.