Je relaie ici un texte percutant de Corinne Lepage publié sur agoravox. La société de modération prônée par Nicolas Sarkozy sera insuffisante pour mettre l'économie française sur le bon chemin, celui qui permet de satisfaire les besoins de la vie à consommation de ressoruces minimum et non simplement modérée. Corinne Lepage a la légitimité sur le long terme pour incarner un projet sociétal durable.
Voici le texte:
« Et ces hommes clignent des yeux en disant nous avons trouvé le bonheur », écrivit Nietzsche... Notre monde rempli de matière ne nous a pas apporté le bonheur. Sommes-nous plus heureux parce que nous avons accumulé tant de biens matériels ? Dans cette Europe de paix, dans ce monde occidental plus serein, nous avons semé de biens mauvaises graines. Nous avons largement entamé les ressources et détruit le patrimoine de notre planète sans vouloir entendre l’alarme des scientifiques. La négation du réel nous laisse croire que notre petit monde pourra durer un peu plus longtemps, jusqu’au prochain renouvellement de mandat. La presse ne veut pas blesser ses annonceurs qui assurent leur survie par l’achat quotidien d’espaces publicitaires, quand elle n’est pas directement détenue par l’industrie. Mais notre impérative urgence de ne rien faire et l’idée que nos mots ralentiraient les maux ont été lourdes de conséquence : dérèglement climatique, sixième extinction animale, déforestation, surexploitation des mers, empoisonnement de l’air, de l’eau , stérilisation des sols... liste non exhaustive de maux qui se cumulent avec un effet exponentiel. Je ne peux me contenter d’arriver après, en tant qu’avocate. Il faut que je sois là avant, pour anticiper les catastrophes, changer la donne, initier un nouveau projet de société qui soit enfin viable et où nous retrouverions le goût du bonheur. C’est cela faire de la politique.
Le pouvoir politique, médiatique et économique a été élevé en vase clos. Issus des mêmes écoles que leurs conseillers et l’ensemble des hauts fonctionnaires, ses responsables sont formatés pour une gestion de l’existant. Ils croient fermement que nous avons atteint le stade ultime du développement humain, cette « fin de l’histoire » que décrivit Francis Fukuyama. Leurs outils de mesure sont la croissance économique et le PIB. Ce qui ne rentre pas dans leur grille n’existe pas. Sept millions de Françaises et de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté ? Une ligne statistique qui ne perturbe pas le chiffre du commerce extérieur. Le taux de suicide effarant chez les jeunes adultes, la consommation de neuroleptiques, d’antidépresseurs ? Du chiffre d’affaires pour les laboratoires qui les fabriquent, les pharmaciens qui les distribuent, encore du PIB. Une femme décède tous les quatre jours sous les coups de son partenaire ? Rien. Leurs outils sont systématiquement tournés vers la création de profils financiers. Et jusque-là tout allait bien, jusqu’à cette damnée croissance en berne. Cette croissance économique est un aveuglement idéologique. Regardons notre pays à travers d’autres indices, et nous ne pouvons que constater la chute de la France dans les évaluations. Avec l’indice de développement humain, nous voici déjà mauvais élèves. La mesure de la corruption ne nous place pas mieux. Quant à la place des femmes dans notre société, elle nous permet d’occuper les profondeurs du classement. Notre société exclut et détruit. Elle criminalise et envoie les « déviants » dans des prisons indignes d’une démocratie après des années d’attente d’un jugement pour des innocents qui en sortent anéantis.
Et pourtant. Je retrouve Montaigne : « Pour moi donc j’aime la vie », et je lutte. Peu importe que sur le chemin de la présidentielle, il me soit opposé les sondages, le refus des médias ou le vote utile. Je ne me soumets qu’au seul jugement des électeurs auxquels je livre un projet cohérent et complet. J’ai pour cela proposé une nouvelle constitution et un livre-programme réconciliant écologie et économie, Ecoresp, pour un New Deal écologique. Le volet sociétal est sur l’établi... Aucun de celles et deceux qui voteront pour moi le 22 avril n’aura à avoir honte de son choix. Je n’incarne pas un vote de rejet, mais l’adhésion à un projet, un vote utile pour mes concitoyens. Je me bats pour que notre futur ait un avenir. Et je crois au pouvoir nouveau du dialogue démocratique par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, grâce à la révolution du prolétariat, selon l’expression consacrée de Joël de Rosnay. Je donne à toutes et à tous un message, et j’appelle celles et ceux qui y adhèrent à le transmettre, à en débattre, à l’enrichir.
Alors nous aurons gagné le pari de l’intelligence collective contre l’arrogance médiatique télévisuelle qui nous sert le brouet indigeste d’une élection déjà faite et croit détenir un droit de propriété sur « du temps de cerveau disponible ».
-agoravox.Texte de Corinne LEPAGE .