12 janvier 2007
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Une campagne financée par EDF, Bouygues, L'Oréal... ne peut correspondre à l'éthique verte.
Pourquoi je ne me rallierai pas à l'animateur vedette
Par Corinne LEPAGE
Corinne Lepage candidate à l'élection présidentielle
L'éthique s'oppose à ce que Nicolas Hulot soit le candidat des écologistes. Pour moi, l'écologie revêt avant tout une dimension éthique. Se préoccuper de la planète, des générations futures, conduira à prendre pour la nôtre des choix cruciaux, et cela n'est concevable que si les moyens sont compatibles avec les fins. Le combat écologiste conduit inévitablement à affronter des intérêts économiques puissants, à prendre des coups. Tous les écologistes et, au-delà, des centaines de milliers de Français qui se battent contre des autoroutes, des incinérateurs, des antennes-relais, des porcheries ou des installations chimiques le savent. Comment un animateur vedette qui n'a pas mené ces combats associatifs contre les puissants et compte dans sa fondation des entreprises contre lesquelles le combat écologiste est quotidien pourrait-il représenter les écologistes à l'élection présidentielle ? Du reste, le but de la Fondation est l'éducation, vocation louable et indispensable, mais qui permet précisément de jouer du mécénat sans aucune conséquence. Le Pacte parle beaucoup du climat, mais aucune de ses propositions ne gêne directement les entreprises qui financent la FNH.
L'interpellation citoyenne est nécessaire et Nicolas Hulot le fait avec beaucoup de talent. Mais elle deviendrait vite inconciliable avec l'éthique écologiste si elle se transformait en démarche politique.
Le combat pour l'écologie est un combat pour la morale. Je m'étonne que des députés verts présumés antinucléaires fassent un appel pour voter pour un candidat dont le conseiller principal sur le changement climatique, Jean-Marc Jancovici, par ailleurs consultant pour Areva et EDF, déclare que mieux vaut les quelques milliers de morts de Tchernobyl qui, eux, existent que les millions de morts du changement climatique que nous visons précisément à éviter pour justifier le recours à l'énergie nucléaire. L'humanisme, le respect de la vie sont les valeurs fondamentales sans lesquelles l'écologie n'a aucun sens.
Le combat pour l'écologie s'il devient politique se doit d'être exemplaire quant au respect des règles du jeu. Comment concevoir que la campagne du «candidat de l'écologie» soit financée depuis huit mois par une Fondation alimentée par des entreprises comme EDF, L'Oréal, Bouygues, Autoroutes du sud de la France, et par TF1 directement via Ushuaïa ? Même si ces sommes devaient être remboursées, il est difficilement pensable qu'un tel candidat soit celui de l'écologie.
Enfin, le combat pour l'écologie est politique. Il vise à faire triompher une cause en prenant en compte les dimensions de justice sociale et d'efficacité politique. La stratégie de campagne de Nicolas Hulot, les reports successifs de sa décision n'ont eu pour effet voulu ou non que de détruire les efforts de construction et de reconstruction de l'écologie politique en visant à en discréditer ses représentants politiques et en faisant échouer les assises de l'écologie que nous voulions organiser avec les Verts et l'Alliance au moment de la réunion des experts gouvernementaux du climat (Giec), prévue à Paris à la fin du mois de février.
Ce combat médiatique en faveur de l'écologie pourrait rapidement se transformer grâce à l'aide efficace des pollueurs possesseurs de médias et donneurs d'ordre de publicité en une entreprise de destruction du travail militant de trente ans.
Non, je ne me rallierai pas à la candidature de Nicolas Hulot, si candidature il y a, et je pense, de plus, que, sur le plan politique, deux candidatures se réclamant de l'écologie se complètent car il y a bien deux voies politiques pour parvenir à un objectif commun : répondre efficacement à l'urgence écologique