Je vous conseille le numéro d'Avril d'alternatives économiques. Le thème de ce numéro est "vivre mieux sans croissance".
Nos élites sont aujourd'hui complètement à côté de la plaque en terme de diagnostic sur la crise. Nous sommes dans une phase énorme de transition de modèle de civilisation qui nécessite des changements assez radicaux dans la façon de gérer l'état, donc l'intérêt collectif, les outils de la puissance publique, les conditions permettant au secteur privé de s'engager dans le mieux-être plutôt que dans le plus avoir.
Le débat croissance décroissance est complètement dépassé car, de fait, la croissance est en décroissance depuis le premier choc pétrolier, et cela ne vas pas s'arranger. Nous savons que la croissance infinie est insoutenable d'un point de vue écologique, et l'ensemble des pays du monde vont devoir prendre cela plus en compte s'ils veulent une prospérité effective pour l'ensemble de leur population.
Il va donc falloir apprendre à vivre avec moins pour 90% de la population, mais avec suffisamment pour assurer des besoins essentiels: santé, éducation, alimentation, service sociaux, loisirs, rénovation et maintenance des bâtiments, protection du patrimoine écologique.
L'investissement privé doit assurer le lien entre le présent et l'avenir et non se contenter de gagner de l'argent sans se préoccuper de la diffusion de cette prospérité.
Nous sommes arrivés au bout du bout d'un modèle basé sur l'idée que la somme des intérêts individuels était constitutif de l'intérêt collectif, quelque soit ces intérêts individuels. C'est notre défi de construire une civilisation où nous devons créer les conditions nécessaires et suffisantes pour que les intérêts individuels prennent mieux en compte les intérêts collectifs sur le long terme avec une répartition des richesses telle que le développait John Rawls (voir un précédent billet sur ce blog).
C'est ce que développe Tim Jackson dans son livre Prospérité sans croissance.
Notre politique économique ne pourra supporter décroissance et déflation car elle n'est pas construite pour cela. Elle doit donc consentir à partager les richesses produites du passé pour créer celles de l'avenir dans l'industrie et les services orientés vers la prospérité telle que définie plus haut. Nous devrons construire cette politique économique sur une croissance moyenne des 10 prochaines années de 0.7% d'après Patrick Artus, chiffre tout à fait crédible contrairement à ceux du gouvernement actuel.
Sandra Moatti donne les nouvelles pistes à développer basées sur le partage du travail, des revenus, associé à une efficacité de la dépense publique pour faire de la croissance du bien-être.
Les pages 56 à 64 de ce numéro d'Avril d'alternatives économiques donnent le cap qui pourrait constituer un programme présidentiel.
Le logement et le transport représentant aujourd'hui un poids énorme dans le budget des ménages, il faut s'attaquer en priorité à ces postes, c'est à dire diminuer le poids des loyers ou du crédit immobilier, diminuer la dépendance à l'automobile.
Il convient donc de mieux encadrer les loyers et instaurer une taxation croissante des plus-values sur le foncier constructible, en évitant les phénomènes de seuil, amenant des comportements de contournements.
Les dépenses énergétiques sont indolores pour les ménages les plus aisés et pèsent très lourds et de plus en plus lourds pour les ménages à revenus faibles ou moyens. Il convient donc de taxer l'énergie tout en aidant les ménages à investir pour diminuer les consommations.
Dans le domaine du transport, favorisons les modes actifs que sont la marche à pied et le vélo, les transports collectifs, l'autopartage avec lesquels on peut effectuer 80% de nos besoins de déplacements. Rappelons qu'à Copenhague, 50% de la population va au travail à vélo. Pourtant, le Danemark n'est pas à la traîne en matière de prospérité.
Dans le domaine de la santé, il faut privilégier la prévention et lutter contre les inégalités. A ce titre, le développement des modes actifs de transport et l'alimentation ont un rôle majeur à jouer.
En matière de services, il est nécessaire de lutter contre le pouvoir de marché des oligopoles.
Consommation: partager pour mieux consommer.
Emploi: travailler moins pour travailler tous, par exemple en instaurant un congé sabbatique rémunéré de 6 mois tous les 5 ans ou d'un an tous les 10 ans. Cela favoriserait la mobilité professionnelle et résoudrait par là même le problème de pénibilité dans un travail harassant durant 40 ans.
impôts: taxer davantage les hauts revenus et harmoniser la fiscalité en Europe.
Pauvreté: Supprimer le quotient familial pour financer un crédit d'impôt de 750 euros dès le premier enfant et revaloriser le RSA.
Dépenses publiques: rationaliser les dépenses de transfert et les structures de l'action publique et mutualiser l'effort de défense au niveau européen.