Voici une tribune publiée par Corinne Lepage le 18 Août. Elle rejoint le sens donné par le billet de Paul Quilès sur le nucléaire.
La seule réponse durable à la tourmente financière que nous vivons et la remise en cause des fondamentaux du capitalisme néolibéral est de nature écologiste.
Une nouvelle écologie politique fondée sur la reconquête de la souveraineté offre une voie de propositions. Elle nécessite de dépasser le stade actuel de l’écologie politique représentée par le parti Vert, et un réel espoir de changement ici et maintenant. Il faut construire la troisième étape de l’écologie politique.
La crise financière et la crise écologique sont en réalité les manifestations, en l’absence d’une gouvernance mondiale démocratique, de l’abandon, aux marchés financiers, de la souveraineté des Etats, définis comme les représentants et les garants de l’intérêt général.
La dilapidation du patrimoine collectif et des biens publics, la pollution généralisée accompagnée d’une destruction des ressources nécessaires à notre propre vie, la remise en cause des progrès de la santé humaine par notre mode de vie et de consommation viennent de la mainmise de très grands intérêts économiques sur les choix collectifs.
De la même manière, la dette publique – dont les modalités de calcul imposées par système financier est absurde s’agissant d’Etats – s’est creusée en raison de la liberté sans limite donnée au même système financier. Qu’il s’agisse de finances ou de ressources naturelles, la régulation par un système en capacité de défendre l’intérêt général est un impératif.
Force est de constater que l’incapacité des Etats à reprendre la main traduit en réalité leur incapacité à trouver les moyens de défendre ce qu’ils ont en commun. Les principes de base de l’écologie politique consistent précisément à se donner les moyens de préserver les ressources communes et à les gérer au mieux pour les générations présentes et futures. Or, par ressources communes, il faut entendre non seulement les ressources naturelles mêlées également des biens publics au sens large du terme dans lesquels figurent la monnaie et plus généralement tout ce qui permet le bon fonctionnement de l’économie.
Les deux sujets ne doivent donc pas être séparés puisqu’en réalité il s’agit du même problème dont l’origine et la solution sont communes. Elle se trouve dans la souveraineté écologique menant à une gouvernance démocratique ; elle conduit à la capacité redonnée aux citoyens d’être les maîtres de leur destin et non d’être victimes des erreurs et des malversations commises par d’autres. Elle se trouve dans le rejet des a priori idéologiques habituel (néolibéralisme ou altermondialisme) dont la conséquence est de rendre impossible le choix d’une solution viable.
- Le néolibéralisme avec la brutalité et la cupidité qui l’ont accompagné nous a amené à l’abîme. La souveraineté écologiste appelle la reprise en main par les gouvernants du cours des choses à partir d’un objectif et d’un chemin : la bonne gestion de l’ensemble des ressources de la planète en s’assurant que les conduites de court terme soient en cohérence avec le souhaitable commun. Retarder l’échéance, c’est s’enfoncer dans cette abîme.
- Les solutions altermondialistes, qui se situent dans une rupture complète, ne peuvent davantage y répondre, car elles ne tiennent pas ensemble les fins et les moyens.
Nous avons l’ardente obligation de rassembler tous ceux qui ne se reconnaissent, ni dans la pose de rustines au néolibéralisme, ni dans la dénonciation incantatoire. La gravité de la situation et sa profonde nouveauté, par rapport aux crises que nous avons connues jusqu’ici, impose des solutions originales qui par définition n’ont pas de précédent.
Pour innover, il convient de faire abstraction de classifications pré établies pour se définir par rapport à des objectifs, des moyens et des règles de morale communes. Ni l’impasse sur les réalités économiques et financières ni un « yaka-focon », d’autant plus immature que la situation s’aggrave, ne sont des options possibles.
Les analyses de l’écologie politique sont justes ; les solutions existent. Pour autant, si la force d’évidence des analyses et solutions n’est pas au rendez-vous, les écologistes en portent leur part de responsabilité.
Dans notre histoire, il y eut le temps des fondateurs, des visionnaires et des précurseurs coexistant avec celui de l’utopie généreuse, préemptée par un gauchisme propagandiste et peu soucieux d’avancées concrètes comme des analyses écologiques du départ.
Le deuxième temps fut celui des participations gouvernementales auxquelles j’ai personnellement apporté ma contribution. Les écologistes étaient confinés à une tâche purement technique, celle de gérer l’environnement, laissant ainsi la part belle à une contestation croissante à la mesure de l’impuissance relative des ministres de l’environnement. Ajoutons au passage que les titulaires des mêmes postes, inféodés à la logique du marché, se sont souvent pour leur part contentés de gesticulations et de communication.
Des avancées loin du compte car, à la marge du système, ont été obtenues et des ouvertures électorales comme celles de Daniel Cohn-Bendit aux européennes ont porté leurs fruits.
Quoi qu’il en soit, le troisième temps est venu. Le propagandisme, comme du reste l’indignation, ne répondent pas à l’urgence des problèmes et surtout à la capacité de cette nouvelle manière de voir le monde à offrir des solutions adaptées.
Cette nouvelle écologie politique, parce qu’elle dépasse une vision punitive, anachronique ou irréaliste est aujourd’hui la seule construction politique qui apporte des solutions, se projette dans le futur et parie sur le long terme comme sur ce que nous avons tous en commun. La souveraineté écologiste fixe un cap commun porteur d’espoir : elle a l’obligation de réussir le pari consistant à convaincre que les voies de la transition existent. Le moment présidentiel par définition est celui du projet phare pour notre pays et de ses propositions dans le monde.
Des initiatives seront prises pour réunir, bien au-delà de la sphère politique, toutes celles et ceux qui ont décidé de faire et non pas de subir, de retrouver l’équilibre de notre devise républicaine entre l’égalité, la liberté et la fraternité et de refuser de transiger sur ce qui est notre bien commun.
Tribune publiée dans le journal Le Monde du 18/08/2001