
Je participais le 8 Octobre au grenelle régional du Havre pour la Haute-Normandie dans l'atelier lutter contre le changement climatique et maîtriser l'énergie.
Nous avions l'atelier le matin et le débat public en fin d'après-midi.
Voici la trame de mes interventions:
Le port autonome de Rouen a décidé, en 2006, de reconfigurer le boulevard maritime, sur lequel il y avait une piste cyclable bidirectionnelle en site propre, certes en mauvais état, mais l'espace existait. Le port a décidé de demander des fonds européens pour le développement régional, les fonds FEDER.
Cette voie part pratiquement du centre de Rouen pour désservir des entreprises et la zone portuaire en aval.
Dans un grand élan de générosité et à contre courant de ce qu'il faut faire en matière d'environnement, il a réussi le tour de force de supprimer la piste cyclable dans le projet. L'association SABINE défend le développement du vélo dans l'agglomération rouennaise. Elle a attaqué d'abord au tribunal administratif en faisant valoir l'article 20 de la loi sur l'air obligeant, chaque fois qu'une voirie urbaine est reconfigurée, à prévoir un aménagement cyclable. Après une mascarade de procès l'association a été déboutée. L'avocate du port autonome a employé pendant sa plaidoirie tout sorte d'arguments plus ou moins douteux du genre "plus personne ne va aujourd'hui au travail à vélo.". Elle a également employé des arguments de procédure ayant trait à l'existence d'une délibération. Enfin, l'avocate s'est rangée derrière une interprétation des mots de la loi en disant que "cet axe de statut portuaire ouvert à la circulation générale" sortait du champ de la loi. Cet argument ressort également dans le rapport d'enquête plublic du commissaire enquêteur. Voilà comment on détourne en France l'esprit des lois pour éviter d'appliquer des règles contraignantes en matière d'environnement. Le port autonome, en sus, dans une mauvaise foi totale, dit qu'on ne peut plus rien changé aux travaux alors que la photo ci-dessous montre le contraire.
Les autres arguments du port autonome frisent le ridicule pour ne pas en dire plus. Par exemple, il y a des entreprises seveso. Tiens donc, je ne savais pas qu'un automobiliste dans une voiture avec 50 litres d'essence était moins en danger qu'un cycliste. Je ne savais pas non plus qu'un salarié allant à pied d'un bâtiment à l'autre était moins vulnérable.
La DRIRE insiste dans le ridicule avec la remarque suivante:
elle considère qu'en cas de sinistre, la protection la plus efficace est le confinement, ce qui est possible à bord de véhicules mais pas pour des usagers de deux roues ou des piétons.
On nage là dans la farce la plus extrême digne d'une pièce de Molière.
L'association ne se décourage pas et pose un recours au niveau européen, sans grande efficacité au niveau du résultat. En fait, la piste sera remplacée par des arbres, ce qui est un comble.
Ensuite vient l'enquête public. Le rapport du commissaire enquêteur est un modèle d'anticulture environnementale. Voici quelques extraits croustillants.
"Ce pari de développement de la pratique courante de la bicyclette peut apparaître tentant mais, se heurtant à de multiples obstacles, reste très problématique. Les habitudes de facilité et confort créées par les déplacements en automobile sont bien ancrées, et un important changement de mentalité semble nécessaire à leur abandon."
Cette voie ne sera donc pas aménager pour les vélos. Les cyclistes auront ainsi le droit de circuler, mais en insécurité totale.
C'est la plus grand scandale dans l'aménagement cyclable de l'agglomération de ces dernières années. Les autres financeurs n'ont pas daigné appuyer la démarche de SABINE par des sanctions financières à l'égard du port autonome.
Voici maintenant le contre exemple néerlandais, entre Delft et Rotterdam.
Nous sommes ici sur la ligne droite qui relie Delft à Rotterdam. Cette route, empruntée par des véhicules lourds, borde le canal de Delft où circulent des péniches transportant des matières dangereuses. Pourtant, toutes les entreprises ont un accès vélo. Ci-dessous, la piste cyclable située dans le prolongement de cette route rejoint Rotterdam, plus grand port du monde. Les voitures sont tolérées à vitesse modérée. Ce sont les vélos qui vont tout droit, les automobilistes qui veulent des axes plus rapides font les détours nécessaires.
Vous voyez ici le début de la piste qui longe le canal dans le prolongement de la zone industrielle ci-dessus. On peut aussi remarquer, comme à Bruges, que même dans une périodede travaux, la conservation des passages piétons et vélos est une règle. La voiture non.
Si on veut graver dans le marbre le grenelle de l'environnement, il convient que les directions d'entreprise, la DRIRE, les élus et les commissaires enquêteurs fassent une révolution culturelle. Cela devient urgent, nous n'avons pas de temps à perdre avec des gens dont la malhonnêteté intellectuelle n'a d'égale que le ridicule de leurs arguments comparés à ce qui se fait ailleurs en Europe.
Changer de culture environnementale relève souvent de symboles et d’exemples. Voici un exemple de l’anti-culture environnementale française et le contre exemple de la culture environnementale danoise.
Nous sommes ici dans la rue Boissy d’Anglas, dont une partie est située entre la rue du faubourg Saint-Honoré et la place de la Concorde. Sur cette portion, la circulation est fortement surveillée. Cette rue est fermée à la circulation automobile hors clientèle réservée. Les piétons peuvent y circuler librement, mais sont priés par des forces de l’ordre en nombre de rester sur les trottoirs hauts et étroits séparés de la route par des barrières métalliques. Par contre les voitures peuvent tranquillement occuper un espace viaire confortable (stationnement plus flux). Nous sommes en pleine ségrégation des usages.
A droite, deux policiers verbalisent un jeune motard, coupable d'avoir remonté la bande d'arrêt d'urgence. Sur la voie de gauche, un conducteur se cure le nez. «Attention, sale caractère», prévient l'autocollant plaqué sur son pare-brise. Derrière lui, un livreur tient son volant à bout de bras, comme s'il essayait de le pousser. Inutile. Sa voiture est à l'arrêt, comme les autres. 7h22 et un énième bouchon. «A6 = BP 29 min», annonce le panneau à diode, suspendu à une passerelle. Traduction : 29 minutes pour rejoindre le périph. Même à pied, ça irait plus vite. Une sirène de pompier fait craindre le pire. «Il y a beaucoup de difficultés en direction de Paris», confirme l'animateur de RMC qui souhaite «courage et patience» à ses auditeurs motorisés. Ces amas de tôles immobiles contiennent surtout des hommes solitaires.
Des murs antibruit, recouverts de graffitis, forment leur horizon immédiat. Au loin, une brume grisâtre enveloppe la tour Montparnasse. Un jour ordinaire dans la vie d'un Francilien à quatre-roues.
Non, il n'y a plus d'automobilistes heureux. En tout cas, pas ici, pas à cette heure- là. Sur l'autoroute, la station-service prend une allure de refuge par temps de cyclone. «Dire que notre vie est devenue infernale est une lapalissade, admet Dominique, médecin. Avant, conduire était perçu comme un plaisir. C'est devenu une contrainte.» Près de la machine à café, un transporteur, l'oreille collée à son téléphone portable, prend des nouvelles du front. «Quarante minutes jusqu'à la porte d'Orléans !», crie-t-il à la cantonade. Non loin de lui, apposée près de la pompe à essence, une affichette proclame encore : «Vive la liberté !» Et si la liberté était en train de changer de camp ?
La séquence environnement de ce soir sur France 2 dans le journal de David Pujadas est un bel exemple de présentation partielle discréditant une énergie renouvelable, l'énergie éolienne. La ficelle est énorme et pourtant peu de monde sont capables de décoder la manipulation. Ce type de reportage est plutôt un remplissage médiocre de rubrique régulière du journal.
David Pujadas, pour présenter sa séquence pose la question "l'énergie éolienne est-elle si écologique que cela."?
Le caractère écologique de cette énergie renouvelable n'est regardée qu'au travers de son apport à la lutte contre l'effet de serre, ce qui est une stupidité en France.
David Pujadas a donc orienté le débat entre les "pour" qui affirment que l'éolien réduit de 10% les émissions de gaz à effet de serre et les "contre" qui affirment que l'éolien n'est pas efficace car il réduit les émissions de 0,3%.
Ce débat n'a pas de sens pour plusieurs raisons.
L'effet de serre est du essentiellement à la consommation d'énergie dans les transports, le chauffage dans l'habitat, à l'élevage avec les dégazages de méthane, et l'industrie.
La consommation d'électricité représente quelques % de la consommation totale et émet peu de gaz à effet de serre en France car nous sommes très nucléarisés avec un procédé d'enrichissement d'uranium peu émetteur de gaz à effet de serre.
C'est moins vrai dans les autres pays où l'électricité est à dominante charbon.
Analyser l'éolien au regard de l'effet de serre est absolument insignifiant en France et ne peut constituer un argument contre ce type d'énergie.
Par contre on peut avoir un débat pertinent sur la part d'éolien et le nucléaire ou la place de l'éolien dans le bouquet énergétique électrique qui permettrait de réduire les déchets radioactifs. Rien de tout cela n'est présenté dans ce journal.
Evidemment, dans la ligne du reportage, la critique de cette énergie se construit autour de l'aspect intermittent de la production obligeant à coupler cette source à une centrale thermique, ce qui émet du gaz à effet de serre.
Mais personne ne parle du couplage à des centrales cogénération au biogaz, aussi peu émetteur qu'une centrale nucléaire française.
Bref, voir un dossier par le petit bout de la lorgnette peut conduire à une désinformation de la population, ce qui n'est pas assurément la mission d'un service public de télévision.
La problématique du réchauffement climatique est globale. Trouver une solution soutenable à ce problème ne peut passer que par une analyse globale et une déclinaison des solutions au niveau local. C'est ce qui fait la difficulté des prospectives effectuées jusqu'ici.
Cette contribution est l'application de ce paradigme au transport automobile. Elle est basée sur un raisonnement en ordre de grandeur permettant de montrer que toutes les mesures évoquées jusqu'ici sont nécessaires mais notoirement insuffisantes. Un changement en matière de paradigme de recherche et développement est nécessaire. De plus, les Etats-Unis eux-mêmes ont entamé une réflexion se rapprochant du domaine de cette contribution au travers d'un consortium associatif rassemblant des entreprises telles qu'IBM et Microsoft, 10 universités américaines, 1 allemande. Ce consortium a lancé d'immenses travaux sur la science des services.
Pour calculer les ordres de grandeur précédemment évoqués, on prend les hypothèses suivantes. Analysons la contribution de l'automobile au réchauffement climatique dans une version mature d'une population mondiale équipée à l'occidentale à l'horizon 2050.
Nous allons nous placer volontairement en minorant les chiffres officiels. Ainsi, si on trouve que l'on ne réduit pas les émissions globales par rapport à aujourd'hui, cela voudra dire que les mesures visant à travailler sur la technologie des moteurs seront nettement insuffisantes.
Le taux de motorisation des ménages dans une population mature comme la nôtre et en supposant que la population mondiale a le même degré de maturité est de 500 véhicules pour 1000 habitants roulant une moyenne de 15000km par an. Prenons aussi l'horizon 2050 avec 9 milliards d'habitants au niveau de maturité occidental.
Supposons que toute cette population soit équipée de véhicules propres à 100g de CO2 par kilomètre, ce qui serait déjà une grande performance.
Calculons maintenant les émissions CO2 annuelles de ce parc mondial vu dans sa version finale (asymptotique).
Il ne reste plus qu'à effectuer la multiplication :
500x9x109x15000x100x10-6/1000 nous donne près de 7 milliards de tonnes d'émissions de CO2 par an, soit encore 7x0.27, soit près de 2 milliards de tonnes de carbone émis dans l'atmosphère. Cela représente la moitié du point d'équilibre du climat (4 milliards de tonnes par an) pour les seuls déplacements automobiles.
On voit, par ce calcul en ordre de grandeur, qu'il est illusoire de régler le problème par l'unique travail sur les moteurs. Cela ne peut constituer un développement soutenable.
Pourtant, on ne peut se passer de l'industrie automobile, de l'usage de la voiture qui constitue un formidable moyen d'accès aux déplacements. On ne peut non plus interdire l'accès à la voiture aux pays émergents, liberté oblige.
C'est donc par une organisation plus efficace des mobilités qu'on arrivera à un résultat conforme aux aspirations du Grenelle de l'environnement.
Quand on parle organisation, on parle nécessairement de l'outil informatique associé à l'intelligence humaine, donc à la science des services évoquée plus haut.
Fort de ce constat, j'ai lancé moi-même un projet de recherche avec des laboratoires. Il consiste à gérer en temps réel et en flux tendu les mobilités à l'aide d'une flotte de taxis collectifs de grande échelle. Cela permettrait d'augmenter le taux d'occupation des voitures et donc de diminuer le trafic de façon importante à confort de mobilité égale. C'est vers cette voie qu'il faut aller. Le travail sur les moteurs ne fera que complémenter cette évolution.
Ce projet a l'avantage d'être mis en œuvre assez rapidement avec peu d'argent public. Quelques millions d'euros suffisent pour construire ces logiciels avec une division possible du trafic par un minimum de 2, résultat largement supérieur au seul travail sur les moteurs.
Cela pourrait aboutir aussi à une reconversion complète des modèles automobiles pour les adapter à ce nouvel usage.
Ce genre de projet est préférable à un système de taxes qui est ressenti comme une punition par les automobilistes. Les leviers de réduction de l'usage individuel de l'automobile compatible avec un développement mondial des mobilités résident dans le rationnement du stationnement dans les zones denses (formule plus douce qu'un péage urbain), et surtout d'un développement de l'offre industrielle relevant plus de la science des services (logiciels) que de la technologie des moteurs.
La généralisation des plans de déplacements (relevant aussi de cette science), est un autre levier positif de cette intelligence des mobilités. Il s'agit de la déclinaison à toutes les échelles des plans de déplacements urbains.
Soyons intelligents, innovants, encourageons les projet de recherche donnant des résultats rapides et compatibles plutôt que de punir les gens par des taxes, certes nécessaires dans l'immédiat mais dont il faut user avec la plus extrême prudence.
Voici les premières photos de mes devoirs de vacances. Cette place est exemplaire en matière de gestion de l'espace public et de partage de voirie. Elle est aussi un échantillon de ce qu'on peut observer dans toute l'Allemagne. Nous sommes à Brême, dans le Nord de l'Allemagne, environ à 200km à l'Est de la frontière néerlandaise. C'est le centre historique. Qu'observe-t-on sur ces deux photos? Les 5 modes de transport sont représentés: le tramway, le bus, le vélo, le piéton, la voiture. Le trafic est faible car nous sommes en fin de journée. Mais aux heures de pointe, l'ensemble des modes cohabitent sans problème. La circulation est très apaisée. Les trottoirs sont de faible hauteur, ce qui donne la sensation que cet espace appartient à tout le monde. Le signal urbanistique donné est la vigilance réciproque. Cela se traduit dans les faits. Cet urbanisme induit le comportement. Même le conducteur de tramway ralentit sa vitesse lorsqu'un groupe de piétons traverse. Il n'y a pas de passage protégé, pas de territoires privilégiés. Vous remarquerez qu'il n'y a pas de deux roues à moteur. On ne voit aucune place de stationnement. Le piéton est prioritaire dans la culture des gens, devant les vélos, les transports en commun, les voitures fermant cette hierarchie.Quelle différence avec notre urbanisme !!!!
Dans cette rue étroite, la priorité est donnée aux modes doux, les vélos peuvent circuler dans les deux sens, l'automobile est tolérée à faible vitesse.
Cette rue, en voirie partagée, sans différence de niveaux, suivant le même principe que la place centrale, est bordée du plus grand supermarché de Brême, d'une surface supérieure à un hypermarché français, mais sur plusieurs niveaux. La grande surprise de cette photo est donc la densification et la mixité des activités, ce qui limite les déplacements. De nombreuses personnes, de tous âges, avec ou sans enfants, habillées chic ou non, font leurs courses à vélo dans ce magasin.
Les chiffres d'Août 2007 viennent d'être publiés. Les tués ont baissé d'une cinquantaine par rapport au même mois de 2006. Par contre, le nombre d'accidents a augmenté ainsi que le nombre de blessés. Ceci tend à indiquer que la baisse des vitesses a induit une baisse de la gravité des accidents.
Nous sommes à un nouveau tournant du plan "vitesse apaisée" sur la route. Après l'implantation efficace des radars et la baisse des vitesses associée, on arrive à nouveau à un palier. Les vitesses de pointe ont baissé, mais la vitesse moyenne est encore trop élevée et nous sommes encore loin d'un apaisement des comportements. Si on veut gagner plus encore, ce n'est pas le "zéro mort", mais le zéro accident. Les actions correctives sont alors bien différentes.
Voici un échantillon des mesures qu'il faudrait prendre pour aller vers le zéro accident:
Sur le réseau secondaire 2X1 voie, baisse de la vitesse limite à 80km/h, voire moins pour les routes plus sinueuses, avec renforcement des contrôles.
Limitation à 30km/h dans toutes les rues résidentielles en ville, 45km/h sur les axes urbains principaux, 80km/h sur les 2X2 voies urbaines à fort trafic, 90km/h sur les autoroutes urbaines.
Faire respecter les distances de sécurité plus fermement (point majeur).
Agir sur le respect des limites de vitesse sur les deux roues à moteur (c'est un des points majeurs), ce point ralentirait la croissance de ce genre de véhicules en ville. Reculer l'âge de l'usage des deux roues à moteur: pas de scooter avant 16 ans, de motos avant 18 ou 21 ans.
Porter l'effort sur la population 15-25 ans qui est la plus exposée.
Instaurer une formation continue digne de ce nom tout au long de la vie de conducteur.
Configurer les voiries pour les densifier en piétons et vélos afin d'apaiser la circulation en ville, système marchant tout à fait bien.
etc....