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Texte libre

Corinne Lepage,

ministre de

l'environnement

 de 1995 à 1997

et présidente de cap21

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30 août 2005 2 30 /08 /août /2005 00:00

La vision qu’ont les responsables politiques et économiques des écologistes, ainsi que certaines tranches de la société civile est aujourd’hui clairement déformée par le mode de communication utilisé envers les écologistes. Réciproquement, le discours écologique culpabilisant a alimenté cette opposition et entaché la capacité d’action du pays.

J’ai parlé quelques instants pendant les vacances avec le directeur du rocher des aigles à Rocamadour. Celui-ci récitait de grands discours sur l’état de la planète. A la fin de son spectacle, je l’ai donc branché sur le sujet des transports, des files interminables de voitures aux abords des lieux touristiques. Nous avons évoqué le manque de transports collectifs pendant les mois d’été. J’ai essayé de voir s’il était prêt à travailler en synergie avec les acteurs régionaux pour construire quelque chose. Il ne m’a même pas écouté.

J’ai également parlé de cap21 et du démarrage du parti, de sa raison d’être. Je me suis immédiatement heurté à un mûr car mon interlocuteur pense qu’il y a autant d’écologistes différents que de personnes. Par conséquent, pour lui, un parti écologiste ne peut exister en tant que tel. Il faut plutôt, dit-il, faire avancer l’écologie dans les grands partis existants.

Cela ne marche pas, on le sait aujourd’hui, si on veut prendre l’environnement comme point d’entrée des politiques économiques et sociales.

On voit là le déficit de représentation de l’écologie. C’est pourquoi je pense qu’il faut clarifier, mieux cerner ce qu’est l’écologie politique. Beaucoup trop de gens encore pensent que l’écologie consiste à mettre quelques arbres ici ou là, à créer quelques réserves ou parcs, à faire des tunnels pour crapauds sous les autoroutes. Mais le manège de destruction de la planète continue de tourner.

Les écologistes passent encore pour des prophètes de malheur, des donneurs de leçon. Laurence Tubiana déclarait, dans le hors-série sciences humaines de Juillet-Août : "les prophètes de malheur finissent par ne plus être écoutés".

Ces deux qualificatifs servent de prétexte à ceux qui ne veulent rien changer pour disqualifier le discours écologiste, le marginaliser, le prendre pour quantité négligeable, ou pire encore se l’approprier pour ne rien faire (ce que fait le gouvernement Chirac), rester dans un laisser faire coupable. Pourtant, celui-ci se base sur des faits avérés et des études scientifiques de très haut niveau. Ces deux blocs s’affrontent dans un débat stérile. Le passage à l’action se fait alors avec des petits pas aujourd’hui incompatibles avec les délais dans lesquels il faut agir.

Pourtant, dans une entreprise, quand les comptes sont dans le rouge, on se doit de faire une analyse sans complaisance des causes, les communiquer, et agir vite (licenciement économique en l’occurrence), puis construire une stratégie d’avenir. La vision et la communication de cap21 doit être perçue par le grand public et les médias comme entrepreneuriale.

Changer simplement de carburant ne constitue pas un projet de société. Exercer la fonction mobilité à moindre consommation et émission commence à en être un élément.

La bonne entrée du nouvel ordre écologique est de faire passer par une communication de vérité la hiérarchisation des enjeux. Une politique et une stratégie de parti doit se construire là où les défis généraux sont forts. Le défi de la communication de cap21 est de changer cette image qu’ont les écologistes auprès des gens.

C’est vrai que toute activité humaine génère une modification de son environnement et qu’il y a autant de manières de voir celui-ci que d’actions humaines. Ceci induit effectivement des intérêts contradictoires à différentes échelles. La cohérence entre ces intérêts n’existe pas toujours. Il nous revient d’établir des priorités et de les faire passer au grand public. Il faut inviter la population à dépasser ses petites misères quotidiennes pour mesurer les vrais enjeux et appuyer les bonnes politiques et au delà, les partis susceptibles d’apporter une nouvelle forme de gouvernance.

L’exemple des éoliennes est à ce titre très démonstratif. Il n’y a pas plus neutre au niveau de l’impact environnemental négatif que ce type d’énergie. Il répond à un enjeu majeur qui dépasse largement les problèmes de pollution visuelle dont se servent les défenseurs d’un laisser faire sur des énergies encore plus polluantes. En effet, que dire alors des pylônes électriques et des lignes à haute tension, que dire des périphériques urbains traçant des saignées dans les villes, que dire des files ininterrompus de voitures. Ces pollutions visuelles sont bien pire que ces belles éoliennes.

Dominique Volton déclarait dans un récent ouvrage "il faut sauver la communication". En effet, il faut que nos élites dépasse cette relation parent/enfant vis à vis du problème écologique pour prendre la mesure de l’urgence sans la nier ou l’ignorer, et appuyer les mesures efficaces avec un souci de vérité, une volonté d’entreprendre en y mettant l’énergie nécessaire. La politique des petits pas n’est plus suffisante.

 

 
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