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Texte libre

Corinne Lepage,

ministre de

l'environnement

 de 1995 à 1997

et présidente de cap21

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31 octobre 2012 3 31 /10 /octobre /2012 21:29

Le monde politique et économique profite de l'accident du camion citerne ayant mis le feu au pont Mathilde, fermé pour plusieurs mois, pour de nouveau réclamé son contournement Est A28 A13. La cause de l'accident est vraisemblablement, selon les premiers élements, du à un excès de vitesse dans la bretelle d'accès.

 

C'est une erreur grossière de penser qu'avec le contournement Est on évitera tous les accidents graves bien au contraire. Plus généralement, c'est une illusion majeure de penser qu'on règle les problèmes de sécurité routière en multipliant les infrastructures de type autoroutières. Franchement, soyons sérieux, un accident grave en 30 ans, cela justifie-t-il 1 milliard d'euros de dépenses? Bien évidemment non. Ce camion avait chargé son carburant boulevard maritime et allait à Beauvais. Le contournement A28 A13 n'aurait pas éviter l'accident. 

 

Se servir de cet accident pour justifier encore un peu plus ce contournement, c'est méconnaître une loi fondamentale du marché: l'offre attire la demande, surtout lorsque l'ambition est là. une infrastructure autoroutière de plus ne fera qu'aggraver et intensifier les flux de circulation. Il suffit de voir le développement de l'île de France pour s'en rendre compte. Il suffit de voir en combien de temps la Sud 3 fut saturée. 

 

Bien au contraire, l'accident est le signe de l'inconséquence de notre modèle de développement économique, qui a fait la part belle à la route et au pétrole depuis 30ans. Il ne faut pas continuer dans cette voie. 

 

Cet accident est aussi le signe de l'insuffisance de la pratique de la sécurité routière par la police de la route et les politiques qui les encadrent. La police de la route n'est pas assez sur le terrain aux heures qu'il faut pour voir et sanctionner les comportements dangereux et quasi permanents sur toutes les deux fois deux voies urbaines et particulièrement sur le pont Mathilde, la Sud 3, Flaubert, le début de l'A150, le boulevard industriel, le début de l'A28, et le début de l'A13. La police de la route ne sanctionne jamais les distances de sécurité, pourtant passible de 3 points sur le permis de conduire, infraction plus grave encore qu'un excès de vitesse moyen. Rappelons qu'à 72km/h (20m/s), il faut laisser 2 secondes soit 40m par rapport au véhicule qui précède. Or que voit-on? Des camions et véhicules qui collent le véhicule qui précède, et souvent au delà de 70km/h. On voit en permanence des camions qui se doublent sur le boulevard industriel pour ne gagner aucun temps et risquer la vie de tous les salariés Safran, Autoliv et autre qui vont au travail sur ce boulevard.

 

Cet accident enfin est le signe d'un manque de formation efficace à la sécurité routière de tous les conducteurs. Il faudrait que le gouvernement renvoie tous les conducteurs français une journée en auto-école pour une formation sur la vitesse et la distance de sécurité, mesure bien plus efficace qu'une infrastructure supplémentaire.  

 

Les problèmes de sécurité routière se résolveront par la formation et la sanction des comportements les plus excessifs, une police de la route plus visible et plus présente.

 

Enfin, cet accident nous promet 6 mois à 1 an de bouchons gigantesques dans Rouen, signe de l'inconséquence de notre politique urbaine, où on concentre les gens dans des surfaces petites (concentration dans les zones urbaines) en privilégiant un outil de mobilité complètement inadapté aux zones denses: l'automobile, et ceci quelque soit son mode de motorisation. Pour tous les déplacements de moins de 10km, si on avait diversifié les modes il y a 30 ou 40 ans, nous n'en serions pas là. Les hollandais ont été plus prévoyants que nous. Ils ont vu le problème dans la décennie 70. Nous aurions pu réaliser un transport par câble combiné avec une offre vélo ou transports en commun entre Bonsecours et le boulevard industriel, entre Mont-Saint-Aignan et l'emplacement du parking du Mont Riboudet, entre Bois-Guillaume, Bihorel et Rouen. Nous n'aurions pas eu alors 80 000 véhicules jour au pont Mathilde. 

 

Non, il faut changer de siècle et arrêter de penser avec les schémas routiers du passé qui ont montré leur limite et nous ont emmené dans le mur, d'autant que nous avons l'expérience d'autres villes ou concentrations urbaines.  

 

 

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30 mars 2007 5 30 /03 /mars /2007 23:31

Certes, nous n'allons pas faire la fine bouche devant la réalisation de cette ligne de ferroutage. Mais, lorsque l'on fait de l'écologie efficace, ce qui est la volonté de cap21, il faut regarder l'efficience globale du système au regard des objectifs à atteindre en matière d'émissions de gaz à effet de serre ou de sécurité routière.

 

Dans toute entreprise, quand il faut atteindre un résultat, on commence par investir dans ce qui coûte le moins cher et qui rapporte le plus, sans compromettre la performance fonctionnelle.

 

De quoi parle-t-on? De l'impact environnemental des transports de personnes et de marchandises.

 

Lorsque l'on regarde la répartition des chiffres des émissions et consommations du transport routier, l'impact du transport routier international est très faible (tout comme le trafic aérien d'ailleurs). Les chiffres ci-dessous datent de 1996, mais les proportions restent sensiblement les mêmes aujourd'hui . Nous sommes à l’échelle française.

 

 

 

Valeurs en 1996

Energie en Mtep/an

% énergie automobile

% total énergie

% total émissions CO2

Total automobile

39,5

100

21,1

28,4

Intra régional

12,5

31,6

6,7

9

Inter régional

11,5

29,1

6,1

8,3

Urbain dont :

15,5

39,2

8,3

11,1

Véhicules particuliers

8,6

21,8

4,6

6,2

Marchandises, services

6

15,2

3,2

4,3

Autobus, cars, deux roues

0,9

2,3

0,5

0,6

Véhicules particuliers inter et intra régional

16

40

8,5

11,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source  collection énergie, environnement et société ; université de Genève, centre universitaire d’étude des problèmes de l’énergie ; quels systèmes énergétiques pour le 21ème siècle : consommation et synthèse édité par Jean-Luc Bertholet, Myriam Garbely, Bernard Lachal, Franco Romerio, Willi Weber.

 

Si on classe les informations de ce tableau différemment, que voit-on :

 

La somme des trafics urbains, intra et inter régionaux des véhicules particuliers représentent 2/3 des émissions de CO2 et de consommations d’énergie, les marchandises et services 1/3.

Dans le tiers des transports de marchandises, 20% seulement sont dus aux transports internationaux longue distance, soit 6% du total.

 

Certes le ferroutage apporte un gain, mais tout à fait à la marge en terme environnemental. Il en va de même pour la sécurité routière où, même si la gravité et l’aspect spectaculaire des accidents entre poids lourds et véhicules légers frappe les esprits, ce sont les voitures à conducteurs jeunes et les 2 roues à moteur qui sont les principaux acteurs et victimes.

Le projet ferroutage est donc un enjeu éminemment politique. Il peut avoir des enjeux locaux importants et légitimes dans les zones montagneuses comme la vallée de Chamonix. Mais il ne faut pas surestimer l’impact.

 

Jusqu’à aujourd’hui, faire de l’environnement en France consiste à faire des coups politiques peu efficaces, tape à l’œil, alors qu’il faut travailler en profondeur sur l’organisation sociale de nos mobilités individuelles en voiture.

 

Les plans de déplacement d’entreprises, par exemple, permettraient de gagner 50% des véhicules  kilomètres sur le trajet domicile travail à moindre coût. L’utilisation des circuits courts diminueraient la cabotage routier (moins de 150km) représentant 80% des déplacements de marchandises. La moitié du transport de marchandises en ville est effectuée par les particuliers dans leur voiture. L’organisation du transport de marchandises en ville est un enjeu au moins aussi important.  

 

Certes, ces actions ne sont pas spectaculaires et ne font pas vendre du papier, mais elles sont diablement plus profitables pour tout le monde.    

 

 

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18 juin 2006 7 18 /06 /juin /2006 13:02

Voici un article de l'Est Républicain publié par Vincent Tronet sur cap21-Lorraine sur le transport fluvial.

Il montre la difficulté d'intégrer les contraintes locales et globales de développement durable. Il montre aussi que tout grand projet d'infrastructure a de multiples inconvénients nécessitant de hierarchiser les critères de choix, de leur donner un poids, de prendre en compte les échelles de temps.

Certes la voie d'eau, en forte croissance actuellement, permet de diminuer, pense-t-on, l'impact du trafic routier.

 En est-on si sûr?

En effet, si la voie d'eau vient en substitution d'un trafic longue distance existant, c'est vrai. Par contre, si la voie d'eau génère un trafic induit de poids lourds augmentant les tonnes kilomètres transportées sur des courtes distances par la multiplication des noeuds de réseau de telle sorte que le trafic global poids lourds augmente, alors les avantages de la voie d'eau sont annihilés.

Ce raisonnement montre que la seule approche par les modes de transport est insuffisante. Il faut y adjoindre une vaste réflexion sur la localisation relative des activités économiques, ainsi que sur la dualité concentration déconcentration.

Cet article sur la voie d'eau remet sur la table la relocalisation des activités, et donc pose la question des leviers de manoeuvre pour inverser des comportements.

Les travaux de recherche de l'école des ponts et chaussées montrent que l'augmentation des vitesses de pointe et le très faible prix de l'énergie ont été deux facteurs déterminants dans l'explosion des transports et la dilatation des activités économiques, ainsi que dans la concentration dans des grandes mégalopoles. Nous sommes sur des logiques industrielles de réduction des coûts par augmentation des volumes permettant de faire des économies d'échelle.

Si on veut agir sur les comportements de localisation relative, alors, c'est sur la vitesse et le prix de l'énergie, donc la fiscalité, qu'il faut agir sur le plan politique pour induire des comportements vertueux sur le long terme.

Ces raisonnements sont tout à fait nouveaux et bousculent nos idées reçues. Ils élargissent notre champ de vision sur les transports. Une vraie politique de développement durable en matières de transports ne peut passer que par une régulation ou encore une optimisation du trafic de tous les modes. La planète ne pourra pas supporter une croissance infinie des transports au delà de la capacité d'assimilation des milieux, quelque soit le mode,  tout comme pour n'importe quelle autre activité économique.

 

Y aura t'il un jour une vrai desserte Rhin - Rhone ? Le comble serait que les arguments écologiques servent à bloquer ce projet si nécessaire pour combattre le tout routier....

Vers la fin du grand gabarit?

Le consortium des voies navigables a évoqué une étude prônant « des équipements moins consommateurs d'une eau qui deviendra plus rare, plus délicate à gérer ».

MULHOUSE. - Le consortium pour le développement des voies navigables de l'Est et du Sud-Est aime les consensus. C'est dire si la petite passe d'armes qui a opposé à Mulhouse son président, Robert Arnaud, à Jean-Marie Baudin, de la CCI de Meurthe-et-Moselle, a peiné l'assistance. A l'origine de l'échange, une demande de subvention pour une étude - une de plus ! - sur la desserte du Rhône au Rhin, entre les Vosges et le Jura, pilotée cette fois par la CCI du Haut-Rhin. Coût de la chose : 300.000 €, ce qui a étonné nombre d'adhérents qui ont jugé une telle somme « exorbitante », compte tenu du travail déjà accompli par d'autres sur ce sujet. Quoi qu'il en soit, la CRCI de Franche-Comté et le conseil général du Jura ont accepté de participer à hauteur de 2.500 € chacun, et un apport similaire est « attendu » du conseil général de Haute-Saône.

Options rivales
Le tour de table prévoyait d'imputer 6.000 € au consortium, ce qui a fait bondir Jean-Marie Baudin, partisan d'un tracé Moselle-Saône. L'élu consulaire a jugé qu'il s'agissait là d'une demande « politique » visant à favoriser l'option du canal Rhin-Rhône au détriment de l'alternative lorraine. Ce qui, à ses yeux, contrevenait au principe de « neutralité » du consortium dont la vocation est la « valorisation » de la voie d'eau, sans exclusive ni favoritisme. « La neutralité consiste-t-elle à ne donner à personne ou à donner à tout le monde ? » a répliqué Robert Arnaud, en emportant l'accord de la salle. En dépit de trois abstentions, la subvention a été accordée et propulsée, au passage, à 10.000 € ! Avec la promesse d'accorder le même montant à Moselle-Saône, si une demande de financement est un jour présentée, pour garantir l'équilibre.

« La fin du gigantisme »
Ebranlé par les arguments de plusieurs intervenants, Robert Arnaud leur a toutefois fait savoir qu'il entendait se faire expliquer le détail des 300.000 € facturés pour l'étude afin de vérifier si cette facture était justifiée. S'il y a moyen de faire à moins cher, il a promis qu'il demanderait que la subvention soit révisée en proportion à la baisse. Bien que de portée limitée, l'incident a mis en évidence la rivalité qui oppose les partisans des deux dossiers, plus que jamais en concurrence. En se gardant de mettre en avant le soutien de l'association Saône-Doubs 2010 qu'il préside au projet Rhin-Rhône, Guy Picard, l'ancien conseiller général du Doubs et ex-maire de Saint-Vit, n'a sollicité pour sa part que 588 € pour une plaquette « pédagogique ». Il les a obtenus sans difficulté. Car le consortium veut « communiquer ». En direction de tous les candidats aux diverses élections de 2007, d'abord, et du grand public pour le convaincre de faire lui-même pression, ensuite. Les arguments en faveur du fluvial sont connus : la lutte contre l'effet de serre, l'intermodalité pour alléger le trafic routier, la sécurité, etc. La nouveauté, c'est que les tenants du développement de la voie d'eau ont récemment pris connaissance d'une étude d'une spécialiste néerlandaise qui prévoit « dès l'horizon 2050-2100, une généralisation de la succession de situations extrêmes alliant les basses eaux pérennes et les crues brutales ».

 

Sa conclusion : « Encourager la profession à mettre un frein à la course au gigantisme et à développer une cale de plus petite capacité, apte à naviguer dans des conditions moins optimales », renoncer au grand gabarit pour les réalisations futures et privilégier « des équipements moins consommateurs d'une eau qui deviendra plus rare ou plus délicate à gérer ». En résumé, « l'aggiornamento » auquel ont déjà procédé en Franche-Comté la plupart des partisans de Rhin-Rhône qui ont rompu avec les concepts « démentiels » de la CNR et plaident désormais pour une infrastructure plus raisonnable en taille et en ambition.

Jean-Pierre TENOUX
L'EST Républicain, le 18/6/2006

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5 février 2006 7 05 /02 /février /2006 20:03

Pierre met en évidence, dans cet article, des forces économiques et politiques qui s'opposent lorsque l'on prend des mesures fiscales. Les avantages initiaux découlant de certaines mesures peuvent être considérablement diminués par des effets contraires purement économiques. C'est la concept de l'élasticité d'un phénomène au prix. Celui-ci dépend du pouvoir d'achat et des réprésentations.

 

Citons quelques exemples : si on massifie le transport routier, on l’optimise, on baisse donc son coût, et cela favorise son expansion. une baisse de quantité de matières consommées dans les produits fait baisser les coûts et augmenter le volume de ventes. Une baisse de la consommation des moteurs masque l’augmentation du prix du carburant et permet d’augmenter le nombre de kilomètres produits.

 

 Les politiques de décentralisation favorables au transport routier s'opposent à la centralisation des activités économiques permettant de réaliser des économies d'échelle et de favoriser les transports lourds alors rentables comme le rail. Il est donc important dans le débat fiscal de dépasser les analyses limitées aux dualités simplistes rail-route pour aller vers une construction du territoire etc...La réflexion sur l’implantation et la densité des activités économiques doit être menée de front avec le transport de marchandises.

Les pôles d’activités économiques doivent être suffisamment denses et nombreux sur l’ensemble du territoire pour générer des flux suffisants permettant d’utiliser plus de rail que de route.

 

Ceci dit, traiter le problème des marchandises sous l'angle du développement soutenable, aussi diminuer des flux matières en cycle entier, en rapprochant les lieux de production des clients finaux.

 

 N'oublions pas, par ailleurs, que le transport routier ne représente qu'une faible part du trafic global et que c'est la voiture individuelle qui constitue le "poids lourd", si j'ose dire, des nuisances environnementales. Dire que l'on va résoudre le problème "effet de serre" par le ferroutage est pure démagogie si on ne prend pas en compte tous ces éléments.

 

Finalement, on revient à intégrer la contrainte environnementale de manière globale dans le cahier des charges d'une des fonctions essentielles de la vie, le transport de biens.

 

Je vous laisse avec l’article de Pierre.

 

Report modal pour le transport de marchandises et aménagement du territoire : deux politiques difficilement conciliables.

 

 

Précisons tout d’abord quelles sont les ambitions de ces deux politiques, nous verrons ensuite que les concilier soulève un certain nombre de difficultés.

 

La France est un Etat centralisé. C’est une situation  que les politiques de décentralisation n’ont que peu remis en question. Aussi, notre pays n’est pas prêt de s’apparenter à un état polycentrique à l’image de l’Allemagne par exemple. Face à l’enclavement d’un certain nombre de régions françaises, l’Etat, par l’intermédiaire de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) a comme première ambition de mener une politique favorisant le développement des territoires les moins dynamiques. Dans le même temps, la France soutient les pôles et les régions prospères pour leur permettre de constituer des maillons de la métropolisation européenne voire mondiale et ainsi d’attirer les facteurs mobiles de la croissance.

 

Concernant la politique en faveur d’un report modal de la route vers les modes alternatifs tels que le rail, la barge ou le transport maritime de courte distance, précisons que ces modes lourds nécessitent d’importants volumes pour  « tenter » d’être rentables. Si le transport de wagons isolés a hier fait la gloire du rail, il s’agit aujourd’hui de l’activité la plus difficile à rentabiliser pour la SNCF comme pour les autres opérateurs ferroviaires européens. Face à cette situation, l’essentiel de l’avenir du fer se concentre sur les grandes lignes génératrices d’importants volumes.

 

Apparaît alors une première difficulté étant donné que l’Ile-de-France génère à elle seule une importante partie des flux de marchandises en France. De fait, les autres territoires échangeant d’importantes quantités de marchandises se comptent sur les doigts de la main. Seuls la région Rhône-Alpes centrée autour de Lyon, les ports du Havre et de Marseille et dans une moindre mesure le Nord Pas de Calais parviennent à générer suffisamment de flux pour développer des services ferroviaires massifiés.

 

De plus, les modes alternatifs à la route acquièrent une pertinence économique lorsqu’il est possible d’équilibrer les flux dans les deux sens. Or, la France étant plutôt importatrice qu’exportatrice, il est difficile de mettre en place des services de navettes ferroviaires depuis les deux grands ports français. De nombreuses raisons que nous n’aborderons pas dans cet article freinent le développement des modes lourds dans la desserte portuaire française, mais une d’entre elles est le déséquilibre entre les flux en import et en export. Ceci constitue donc la deuxième difficulté à laquelle est confrontée toute politique en faveur des modes alternatifs à la route en France.

 

Notons que nous ne considérons, dans ces deux derniers paragraphes, que des difficultés d’ordre structurelles liées à l’organisation de l’espace français.

 

Ainsi, il apparaît avant même la mise en place d’une politique volontariste en faveur des modes alternatifs à la route, que le développement des modes lourds en France est contraint par des paramètres intrinsèques à l’organisation spatiale et économique du pays. Toujours est-il que de l’avis des français les moins favorables au transport routier, il ne faut pas pour autant s’arrêter à ses considérations, mais entreprendre des mesures permettant de soutenir les modes alternatifs à la route. Un des leviers fréquemment cité, consisterait à taxer fortement le transport routier. Nombreux sont ceux de droite comme de gauche, qui s’accordent à dire qu’il suffirait de courage politique pour mener une telle réforme. Evaluons néanmoins, a priori, les conséquences d’une telle mesure sur l’économie et surtout sur l’aménagement du territoire.

 

Imaginons qu’un gouvernement français décide de pénaliser lourdement le transport routier, à l’image de ce que les Suisses ont entrepris par l’intermédiaire de la Redevance sur les Poids Lourds et leurs Prestations (RPLP), revenant en moyenne à multiplier les coûts d’un transporteur routier par un taux compris entre 1,5 et 1,8 en fonction de la vétusté de son parc de poids lourds.

 

Il ne nous apparaît tout d’abord pas forcément judicieux, à terme, de maintenir indirectement sous perfusion le transport ferroviaire, étant donnés les résultats que nous avons déjà constatés par le passé. Une activité fortement soutenue, soit par des subventions, soit par des taxes sur l’activité concurrente, est rarement incitée à entreprendre les réformes parfois difficiles mais souvent nécessaires lui permettant de rester compétitive à long terme. Etant données les difficultés rencontrées pour réformer le système ferroviaire alors qu’il devient de moins en moins souvent compétitif face à la route, nous voyons mal comment moderniser le fret ferroviaire français,  alors qu’il ne se sentirait pas en danger. De même, les nouveaux entrants dans un marché ferroviaire libéralisé seraient moins incités à réaliser des gains de productivité si la concurrence routière s’avérait affaiblie.

 

Certes, sur les segments générateurs de volumes, le rail prendrait probablement le dessus sur la route qui deviendrait alors trop chère pour être compétitive. Néanmoins, le coût d’une liaison de transport ferroviaire, entre deux points générant d’importants volumes resterait élevé. Ainsi, les grands pôles français seraient certes renforcés par rapport aux régions moins à même de massifier les flux en utilisant le transport ferroviaire pour leurs acheminements, néanmoins ils ne disposeraient pas forcément d’un avantage concurrentiel par rapport aux autres grandes métropoles européennes. Prenons l’exemple de la Suisse. Les prix y sont élevés, certes ils l’étaient déjà bien avant l’introduction récente de la RPLP pour d’autres raisons que nous n’aborderons pas ici. Néanmoins, un prix élevé du transport ne favorise pas la réduction des prix, en particulier ceux de la grande distribution. Rappelons que le transport représente tout de même en moyenne 40% de la structure des coûts liés à la logistique des grands distributeurs.

 

En outre, en taxant lourdement le transport routier, les entreprises ne pouvant être desservies par des modes alternatifs à la route en seraient d’autant pénalisées. Certaines sociétés concernées seraient alors incitées à délocaliser leur chaîne de production pour rester compétitives face à la concurrence des industries implantées sur des territoires où l’approvisionnement en marchandises est considérablement moins cher. Ces délocalisations pourraient d’ailleurs s’orienter vers les grands pôles français, mais aussi vers l’étranger.

 

Au final, non seulement l’objectif de répartition des activités et des populations sur le territoire français ne serait pas rempli, mais les pôles français ne seraient pas forcément renforcés. Il apparaît donc qu’une mesure de pénalisation forte du transport routier, qui a première vue devrait permettre un report modal de la route vers le rail, ne constitue pas forcément la panacée attendue, d’une part d’un point de vue économique pour la France , ce que l’on pouvait pressentir en augmentant les coûts du transport, et d’autre part en terme d’aménagement du territoire.

 

Quand bien même nous réaliserions le vœu pieux que le transport ferroviaire de marchandises aille, dans les années à venir, franchir un cap technologique lui permettant d’améliorer considérablement son image auprès des industriels, les modes lourds auront toujours besoin d’importants volumes pour être pertinents. Or ces derniers existent essentiellement entre les grands pôles d’activité. C’est la raison pour laquelle, si le report modal de la route vers des modes alternatifs doit évidemment rester un objectif pour les politiques publiques françaises, en particulier pour des raisons de santé publique, cet objectif ne va pas forcément de pair avec les ambitions actuelles de la politique d’aménagement du territoire.

 

 

 

 

 

 

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18 janvier 2006 3 18 /01 /janvier /2006 22:30

Dominique Perben a annoncé en fin d'année dernière la décision de mettre en chantier l'autoroute ferroviaire Nord Sud. Ce projet est-il, tel qu'il est annoncé un projet d'amélioration du quotidien des français? En dehors de cet effet d'annonce dont le gouvernement est maintenant familier, on ne peut pas dire que ce seul projet permettra de construire structurellement un plan de progrès du transport de marchandises pour aller vers la satisfaction de la contrainte de diminution des consommations et émissions.

En effet, de même que pour les personnes, on va changer la répartition géographique des nuisances en les concentrant aux noeuds de chargement et de déchargement des trains, mais on ne va pas pour autant diminuer de manière significative l'impact négatif sur l'environnement. Certes, ne faisonspas la fine bouche, c'est une mesure sympathique, mais peu efficace. Seule une politique économique, une organisation du travail réfléchie en cycle entier et dans une vision systémique sur les flux de marchandises et sur la manière d'organiser notre économie pour diminuer le trafic permettra de réussir.

Il y a encore du chemin à faire. Ce pas est tout petit et manque de vision. On aurait aimé, de la part d'un ministre, une autre hauteur de vue que de s'appuyer sur des discussions entendues dans les cafés.   

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28 novembre 2005 1 28 /11 /novembre /2005 00:05
Les poids lourds sont-ils les principaux responsables des émissions de polluants ?
 
« Il suffirait de retirer les poids lourds de nos routes et autoroutes pour mieux respirer. » Telle est la devise d’un certain nombre de lobbies, estimant que le transport routier de marchandises est un des principaux responsables de la pollution de l’air.
Cette affirmation est-elle justifiée ? Analysons tout d’abord comment se répartissent, en France, les sources émettrices de polluants, grâce aux données répertoriées par le service économie et statistiques et prospective (SESP) du ministère de l’équipement et des transports.
 

 
SO2
Nox
COVNM
CO
CO2
Transformation énergie
45,4%
9,9%
5,4%
0,5%
12,7%
Industrie manufacturière
33,7%
12,8%
31,1%
26,3%
20,9%
Résidentiel/tertiaire
12,0%
7,0%
21,9%
26,2%
22,8%
Agriculture/sylviculture
2,1%
16,9%
14,0%
11,0%
14,4%
Voitures légères
3,0%
33,6%
21,7%
32,6%
19,3%
Poids Lourds
1,4%
14,3%
1,9%
1,0%
6,8%
Autres transports
2,3%
5,5%
4,0%
2,4%
1,7%
Autres
0,1%
0,0%
0,0%
0,0%
1,4%

Source : SESP, Ministère des transports, données 2003.
 
Force est de constater que la part des poids lourds dans les émissions de polluants est pratiquement négligeable, exception faite des émissions de Nox. Il s’avère de plus que les voitures, beaucoup plus nombreuses que les poids lourds sur les routes et autoroutes françaises, sont responsables de manière bien plus conséquentes des émissions de polluants locaux (SO2 ;NOx ;COVNM ;CO) et de gaz à effet de serre (CO2) que le transport routier de marchandises.
 
Par ailleurs, en séparant les polluants locaux des gaz à effet de serre, il apparaît que les premiers sont de moins en moins émis par l’ensemble des modes motorisés terrestres. En revanche, la croissance des émissions de gaz à effet de serre n’est pas encore enrayée.
 
Source : ministère des transports, données 2002
 
Source : SESP, ministère des transports, données de 2003, 2005 est donnée en prospective.
 
Les importantes réductions d’émissions de polluants locaux ont été permises par une approche réglementaire, visant à instaurer des normes Euro. Comme les progrès des émissions unitaires vont plus vite que l’augmentation du trafic, il en résulte une tendance à la baisse des émissions locales. On peut donner un exemple de la réglementation à laquelle doit se soumettre tout nouveau poids lourd commercialisé. Les années entre parenthèse correspondent aux années de commercialisation des véhicules.
 
 
Le graphique ci-dessus permet de constater que pour chaque poids lourd, la quantité de NOx émise, polluant dont la part par rapport aux autres sources est la plus forte, va considérablement diminuer dans les années à venir. En effet, si le secteur des transports est marqué par une certaine inertie, la durée de vie d’un poids lourds approchant les 10 ans, il n’en demeure pas moins qu’en 2010, la circulation de véhicules commercialisés avant 1997 sera très limitée. Aussi, une grande majorité du parc de poids lourds sera soumis aux normes Euro 2 voire supérieures. Ne nous satisfaisons néanmoins pas de ces avancées, car la croissance du trafic routier n’ayant de cesse, les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître.
 
En conclusion, si affirmer que les poids lourds sont les principaux responsables de la pollution de l’air en France relèverait de la démagogie, il importe que le transport, comme d’autres secteurs, entreprenne les actions nécessaires pour adapter l’économie aux enjeux environnementaux. Ne nous satisfaisons donc pas de la situation présente car de nombreux problèmes majeurs ne sont pas encore résolus, celui des émissions de gaz à effet de serre en fait d’ailleurs partie.
 
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27 novembre 2005 7 27 /11 /novembre /2005 23:45

 Les débats sur les impacts négatifs du transport sur l'environnement urbain relèvent plus de la démagogie que d'une vision correcte du constat et donc des solutions que l'on y apporte. Il est toujours plus aisé de diaboliser le voisin et de le mettre au pilori que d'analyser la réalité des choses.

Quand on regarde les chiffres de trafic, les  poids lourds et les trafic 4x4, même s'ils sont en augmentation constante en France (aux Etats-Unis, les chiffres récents montrent une chute brutale du marché des 4x4), représentent une faible part du nombre de véhicules kilomètres parcourus, donc une faible part des émissions et consommations.

De plus, le transport de marchandises a fait des progrès spectaculaires en matière de consommation de carburant, beaucoup plus que les voitures. En sus, le temps de pénétration d'une nouvelle technologie de moteur dans le parc camion est plus rapide que pour les voitures. Il convient donc de chasser les idées  reçues. Cela veut dire aussi qu'il est inutile de se battre comme des forcenés sur le ferroutage si on ne traite pas le problème des véhicules particuliers en même temps. Ceci ne veut évidemment pas dire qu'il ne faille rien faire, cela veut dire seulement qu'en terme de dépenses d'argent public, il faut faire des choix de dépenses dans le temps et se donner des priorités. Il faut donc regarder ce qui est le plus efficace dans le temps le plus court, comme le ferait un chef d'entreprise. On trouve alors parfois  des solutions qui sont à contresens de la pensée de la population à partir de constats désagréables à entendre. Les mettre en oeuvre s'appelle alors le courage politique. Parfois il faut avoir le courage de dire ce que les gens n'ont pas envi d'entendre.

Dans les entreprises, lorsque l'on s'attaque à un problème de qualité, si on veut réussir à améliorer ses profits, on s'attaque aux causes qui sont les plus significatives en ordre de grandeur (règle des 80/20). Dans notre domaine, si on veut s'attaquer avec efficacité au problème des émissions de gaz à effet de serre, il faut s'attaquer en priorité à la diminution du trafic de voitures particulières (qui représentent 450 milliards de véhicules kilomètres), c'est à dire mettre de l'intelligence dans nos déplacements.

Force est de constater que nous sommes loin du compte. Le plan climat du gouvernement en ce qui concerne le transport est d'une consternante inefficacité. Exemple: comment peut-on croire une seule seconde qu'une taxe sur la carte grise des 4X4 (quelques centaines d'Euros payables une fois) fera changer les usages de ce véhicule acheté par des gens riches. Si je devais présenter un plan d'actions à mon patron, j'aurai honte de montrer des mesures pareilles, et si je le faisais, je pense que je me ferai licencier pour perte de confiance. Pendant ce temps, l'état et les collectivités locales dépensent des millards d'Euros pour construire des autoroutes et rocades supplémentaires.

L'article qui suit a été rédigé par Pierre Franc, notre spécialiste marchandises. Il illustre parfaitement cela.

Il convient de remettre l'église au milieu du village.

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4 novembre 2005 5 04 /11 /novembre /2005 00:00

La flambée du prix du pétrole, source de report modal de la route vers le rail pour le transport de marchandises en France ? 

 

Alors que la flambée du prix du pétrole attise des débats sur les modifications comportementales pouvant être générées chez nos concitoyens fortement utilisateurs de l’automobile, un report modal de la route au profit du fer, moins consommateurs d’énergies fossiles, est-il envisageable pour le transport de marchandises ? 

Le prix du gazole routier hors TVA est passé au cours des quinze derniers mois de 0.69€ à 0.90€ le litre, soit une augmentation de 30%, sachant que l’approvisionnement en carburant représente 20% de la structure des coûts des transporteurs routiers. Les conséquences de ce phénomène s’apparentent donc finalement à ce que, malgré les recommandations de certains experts, aucun gouvernement français n’avait osé mettre en place jusqu’alors : une taxe sur le transport routier, comparable à la Redevance sur les Poids Lourds pour les Prestations (RPLP) appliquée en Suisse. 

Déjà affaiblis par les hauts niveaux de fiscalité et de coûts sociaux par rapport à leurs homologues des pays de l’Est, les transporteurs routiers français évitent de répercuter la hausse de leurs coûts structurels générée par la flambée du cours du brut, de crainte de perdre leurs principaux clients. Dans ces conditions, la situation financière de nombreuses entreprises effectuant déjà peu de marges, se trouve aggravée. En revanche, les transporteurs routiers des dix pays nouvellement entrés dans l’Union européenne bénéficient d’un coût du gazole inférieur à celui appliqué en France, ce qui ne fait que renforcer leur compétitivité. 

Par ailleurs, si les difficultés des transporteurs routiers français étaient compensées par des gains de part de marché du transport ferroviaire, source éventuellement de nouveaux emplois, l’équilibre socio-économique serait établi et l’environnement en tirerait profit. Au final, l’évolution de l’ensemble des trois paramètres permettant de définir le développement durable : le social, l’économie et l’environnement ; pourrait aboutir à un bilan positif. Malheureusement, les faits ne sont pas si réjouissants. 

En effet, les chargeurs sont peu enclins à reporter une part de leurs volumes sur le transport ferroviaire, à cause de problèmes structurels inhérents au chemin de fer. Ce dernier est certes en phase de restructuration, néanmoins le plan Fret 2006 aboutit pour le moment à une réduction des tonnes.kilomètres transportées, conséquence de la fermeture d’un certain nombre de lignes déficitaires et d’une augmentation des taux de fret sur d’autres lignes. A cela s’ajoute la piètre qualité de service, déplorée par les chargeurs, offerte sur le réseau exploité par la SNCF. 

Le constat est clair : si le nombre d’entreprises françaises de transport routier en difficulté croît, le report modal ne se concrétise pas. Pis, les vainqueurs de cette conjoncture sont les transporteurs routiers des pays nouvellement entrés dans l’Union européenne. Les experts espèrent aujourd’hui que le report modal sera généré par la libéralisation du fret ferroviaire pour le cabotage au 30 mars 2006. Cette ouverture à la concurrence permettra peut-être de résoudre certains des maux du fret ferroviaire français. Quoi qu’il en soit, il ne pourra pas se libérer d’un certain nombre de contraintes. En effet, si ses lourdeurs sont liées parfois à une gestion qui lui est défavorable, souvent à la défense d’avantages d’un autre temps, certaines difficultés du fret ferroviaire restent générées par son mode de fonctionnement, qui ne peut pour des raisons physiques, avoir la même souplesse que celui de la route.

 

 

 

 

 

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