Cet article répond aux commentaires de Jean-Philippe Dayres et éclaircit le débat, décode les arguments développés.
Jean-Philippe a brossé un tableau assez juste mais vu du côté du jeu d'acteurs industriels. Qu'en est-il de l'automobiliste.
Il faut distinguer, devant le tapage médiatique habituel, les arguments qui relèvent de la plus pure communication électorale du gouvernement de ceux qui ont un début de réalité.
Que permet de faire le lancement du couple bioethanol moteur flex?
Il permet:
de seulement poser des jalons bien maigres pour diminuer notre dépendance au pétrole.
de stimuler une concurrence, donc diminuer le poids de l'industrie du pétrole, donc éviter une envolée trop prononcée des prix, mais à la marge. Les français roulant le plus en voiture étant les plus riches, voir le tableau du précédent article, ce sont finalement ceux-là qui profiteront du système sans pour autant en voir réellement les effets.
de se donner les moyens pour plus tard d'une certaine indépendance énergétique pour le transport.
Il permet de donner du travail à un type d'agriculture et à l'industrie automobile.
Par contre, ce lancement ne permet pas:
de modifier sensiblement les conditions économiques précaires des ménages dont le budget est sensible au coût du transport. Le bioethanol aidé par l'état coûte 25% moins cher environ que l'essence, le moteur flex consomme 25% de plus environ. Il ne s'adapte pas aux moteurs actuels. Le parc français est majoritairement diesel. Les français ne changent de voiture que tous les 8 ans (en augmentation depuis l'an dernier).
de contribuer significativement à la diminution des gaz à effet de serre dans les délais où il faut agir (20 ans).
c'est une réponse faible et marginale. La communication du gouvernement sur le pouvoir d'achat et l'effet de serre est donc purement électorale. N'oublions pas qu'il faut 1ha par voiture pour la faire rouler au biocarburant. Il y a un conflit d'usage avec d'autres fonctions.
Quels sont les effets pervers du développement massif des biocarburants?
On ne peut se permettre de remettre dans la nature plus de pesticides, d'herbicides, de mettre plus de pression sur l'eau. C'est un frein incontestable.
On risque de passer d'un poids excessif de l'industrie pétrolière à celui de l'agriculture. On risque finalement de simplement changer de dépendance.
Ne surestimons pas le poids de la TIPP, elle ne réprésente que 7% des recettes de l'état, l'impôt sur le revenu 17%, la TVA le reste en gros. L'argument qui consiste à dire que l'état ne veut pas bouger parce qu'il n'aurait plus de rentrée de TIPP ne tient pas la route. En maîtrisant le trafic automobile, l'état pourrait faire des économies en évitant le surinvestissement dans les infrastructures autoroutières urbaines.
Prendre le problème par le fil de la pollution, de l'effet de serre, de la crise de l'énergie est insuffisant. Cela ne règle pas le problème de la consommation excessive d'espace urbain.
Que faudrait-il faire?
Diversifier les sources de carburants en même temps et équitablement:
bioethanol, diester, biogaz (production à partir de la méthanisation des déchets), gaz naturel, air comprimé: c'est au gouvernement de faire cela, et c'est possible immédiatement.
Enfin, et prioritairement, légiférer pour obliger les acteurs économiques à faire des plans de déplacements. L'expérience de STmicroelectronics à Grenoble montre que l'on peut diviser par 2 en 5 ans l'usage de la voiture sur le déplacement domicile travail. C'est facile à faire, ne coûte pas cher, diminue structurellement la demande, donc contribue à la maîtrise des coûts.
L'efficacité est du côté de nos organisations des mobilités. Le ministre et son gouvernement n'en parle jamais. Pourtant, c'est là qu'il faudrait porter l'effort de communication. Or, on préfère acheter les voix des agriculteurs pour 2007 au détriment de la plus grande partie de la population française, victime de cette partie d'échec.