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Texte libre

Corinne Lepage,

ministre de

l'environnement

 de 1995 à 1997

et présidente de cap21

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19 février 2007 1 19 /02 /février /2007 23:34
Je vous invite à lire ce livre. Le résumé est déjà édifiant.
 
Des livres
Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (Jared Diamond)
Jared Diamond, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. Gallimard, 2006.


(JPEG)

Géographe à l’université de Californie, à Los Angeles, Jared Diamond est également un biologiste et un physiologiste qui publie son troisième ouvrage sur l’avenir du monde. En reliant un impressionnant travail d’archives et de prospective, il éclaire les questions que nous nous posons sur le climat, l’environnement, les ressources. Qu’on ne s’y trompe pas : en écrivant sur les Vikings ou les Mayas mis en parallèle avec les Rwandais, les Haïtiens, les Chinois ou les Australiens, c’est de notre futur qu’il s’agit.

D’autant que Jared Diamond prévient le lecteur : « L’échec n’est pas réservé aux petites sociétés périphériques vivotant dans des contrées fragiles. Les sociétés les plus évoluées et les plus créatives peuvent aussi s’effondrer » écrit-il, en citant l’exemple des Mayas dont le temps a englouti, en quelques dizaines d’années, la brillante civilisation. Ces millions d’habitants dont il ne reste rien des dynasties, des calendriers, de l’art, de l’écriture, de l’urbanisme, de l’astronomie... Diamond n’y va pas par quatre chemins : c’est l’exploitation sans vergogne des ressources naturelles qui fut largement à l’origine de la chute de la Grèce mycénienne, des civilisations du Moyen Orient et de l’Indus ou de l’Empire khmer dont il reste l’étonnant Angkor Vat : « tous les peuples sont susceptibles de verser dans la surexploitation de leur environnement, d’autant plus que sa dégradation progressive, brouillée par les fluctuations ponctuelles, reste difficile à appréhender ».

Jared Diamond a développé plusieurs cas dans son ouvrage dont on peut, à titre d’exemples, citer quelques analyses. Il parvient à écrire une véritable géographie des Mayas. On sait que les densités en pays maya étaient très élevées entre 250 et 800, du fait des techniques d’irrigation qui ont fait la fortune de cités-Etats. Comme elles le firent en Europe avec les cathédrales, les « villes » entrent dans une concurrence au plus beau temple, alimentée par les pouvoirs monarchiques locaux. Le déboisement ruine la forêt, assèche le climat qu’un cycle général de réchauffement des températures rend encore plus prégnant. Une famine provoque des guerres civiles, des maladies tandis que les rois se coupent du peuple. C’est pourquoi Cortès ne verra rien des Mayas dans les Yucatan qu’il traverse en l’an 1524. Un deuxième exemple est celui des moai de l’Ile de Pâques. 847 moai - dont une moitié reste encore dans des carrières - pesant jusqu’à 270 tonnes, ont été taillés et alignés sur des plates-formes monumentales. Comment refaire la géographie de cette île, sachant que les Polynésiens s’y sont installés probablement vers l’an 900 et que huit cents ans plus tard, les navigateurs européens n’y découvrent que la ruine et la désolation des arbres et des animaux disparus. La forêt aurait été détruite en six cents ans, pour produire ces statues qu’il avait fallu acheminer sur des rails en bois, avec des cordages. Les chefs auraient, dans leur délire concurrentiel, conduit à l’extension des terres cultivées et à la ruine de la forêt. L’impossibilité de construire des pirogues, la famine jusqu’à l’anthropophagie, la destitution des chefs à la fin du 17e siècle et, pour finir, la destruction des statues, brisées au niveau du cou, par la société qui les avait édifiées, tel fut le destin des douze tribus des Pascuans.

Pour Jared Diamond, quatre facteurs peuvent concourir à l’effondrement d’une société : le changement climatique, la dégradation de l’environnement, l’hostilité des voisins, des rapports de dépendance avec des partenaires commerciaux. Mais les réponses apportées par une société, selon ses valeurs propres, peuvent enrayer le processus, comme Diamond le montre pour le cas de la République dominicaine qui partage le même espace géographique qu’Haïti. Les Vikings installés au Groenland offrent une belle occasion de montrer comment ce peuple fut victime du petit âge glaciaire au 14e siècle. En refusant de s’accommoder au froid, de chasser la baleine, de manger du phoque, en préférant garder le mouton et le bœuf nécessitant du fourrage, l’urbanisme scandinave et ses églises coûteuses, les Vikings s’exposent à la mort plutôt que d’embrasser le genre de vie des peuples locaux qu’ils détestent.

Les analyses sur la Chine, « géant qui titube », l’Australie ou le Montana surprendront plus d’un lecteur. Elles montrent qu’il n’y a rien de fatal dans la course accélérée à la dégradation mondialisée de l’environnement mais qu’il va falloir prendre de bonnes décisions. Comment peuvent se mobiliser les grandes entreprises pour protéger l’environnement ? Et qu’est-ce que cela implique que le monde soit devenu un « polder » ? Diamond sait, comme Fourastié en ses Trente Glorieuses, être persuasif en décrivant la Californie comme il la voit : « les problèmes environnementaux et démographiques ont miné l’économie et la qualité de vie en Californie du Sud. Ils sont dans une large mesure responsables de nos pénuries d’eau et de courant, de notre accumulation d’ordures, de notre surpopulation scolaire, de nos pénuries de logements, de nos hausses de prix et de nos embouteillages ». En France, on pourrait remplacer Californie par... Languedoc ou Provence pour actualiser spatialement la démonstration. Diamond fixe de sérieuses mises en garde : non, la technologie ne résoudra pas ce type de problèmes ; non, les ressources sont bien épuisables ; oui, il y a bien un problème alimentaire mondial ; non, la crise démographique ne se résoudra pas d’elle-même. Et il enfonce le clou en fustigeant ceux qui pensent que le souci de l’environnement est un luxe de riches. On pourrait ajouter : nous voilà prévenus.

C’est ainsi que la géographie s’invite au débat du monde et qu’elle donne le meilleur d’elle-même.

Compte-rendu : Gilles Fumey

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commentaires

G
Je me suis moi aussi attelé à la lecture de ce livre, de Jared Diamonds, qui est, il me semble un biologiste qui a reçu un prix Politzer, et professeur dans universite Americaine<br /> J\\\'en profite pour faire remarquer que de souvenir sur les premiers chapitres, il souhaitais mettre en evidence des cas d\\\'effondremment de societes pour des raisons liees au  changement climatique, la dégradation de l’environnement,..<br /> Prochaine lecture du meme auteur: Guns, Germs, and Steel: The Fates of Human Societies <br /> Dans le même genre de lecture, je me suis aussi attardé sur un livre de Peter Turchin War and Peace and War: How raise and Fall imperial nations, que je recommande également. Mettant en évidence le concept d\\\'Asabiya (concept de cohésion sociale), qui serait à la base de création d\\\'empires...<br /> Tous ces livres mettent en évidence l\\\'émergence d\\\'un sciences de l\\\'histoire, et des paramètres du succès d\\\'une civilisation... à la façon dont Isaa Asimov avait décrit la psychohistoire dans "le Cycle des Fondations"<br /> Je trouve tout cela très intéressant, et souhaiterais savoir s\\\'il y a effectivement des sujets de recherches liées à une science de "déterminisme historique", qui nous permettrait de conduire notre societe de facon plus eclairee
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